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03/09/2013

sans titre

Nerey ne blaguait pas quand, la veille, la pensée de tout vendre lui avait traversé le coeur, comme une envie de prier pour la première fois de sa vie. D'autant plus qu'il se sentait vide maintenant comme si tous ces organes avaient fondu s'étaient évaporés pendant la nuit ou qu'il s'étaient mués en une immatérielle réflexion qui l'oppressait au niveau du ventre, jusqu'à l'obsession en formant le portrait des yeux de Shalima qui ne le quittaient plus et le scrutaient de l'intérieure comme une lande broussailleuse ou achoppe la lumière qui ne le définit plus que comme un point au loin, très loin, sous l'horizon de la vue. Shyphil et gil dormaient encore dans leurs duvets sous le phoenix ; sans bruit il se leva et s'en fut s'asseoir sur le front de mer ; sur un banc face a l'immense miroir, il se palpa les cotes fourbues et contusionnées comme celles d'un torero après le combat. Les premières oasis de plagistes clairsemés déjà sur la plage leur touffe de parasols ; des joggers filaient lentement derrière des familles avec de très jeunes enfants, qui dans l'ombre des parasols prenaient des teintes cuivrées et prunes de pellicule négative trouant le film de la création d'un abîme de formes inconsistantes a ses yeux. La veille encore il se serait moqué de ses marins voguant sur des jouets pneumatiques dans les rouleaux d'émeraude, le cris des mouettes dans les sandwichs, ; mais maintenant il percevait leur aventure autrement ; avec une sorte d'héroïsme d'autant plus tangible qu'il est plus secret ; hier encore il les auraient perçu comme des ratés frileux qui avaient choisit la chose qui lui paraissait la plus obscène et la plus vulgaire de toute : la sécurité de l'amour ; mais maintenant il se rendait compte que c'était lui qui ne savait pas aimer, il se sentait lâche, lui qui n'avait jamais encore véritablement aimer ; il se rendait compte qu'il ignorait ce que c'était qu'être épris, le corps et l'âme conjugués au devenir d'un autre ; aussi, tout se renversait dans son esprit et ses moqueries lui retombaient sur la tête comme s'il s'était craché en plein visage ; il comprenait douloureusement que ce qui lui paraissait le renoncement a l'aventure hasardeuse de la vie, pouvait en réalité être l'accomplissement de son vrai défi. Et quand son remord eut parcouru en sens inverse toute la distance que l'imagination avait interposé de faux reflets dans l'épaisseur de son vide, il se sentie lavé, et gros d'une parole dont les signes n'étaient plus indexés sur les choses dans leur présence immédiate et dissolvante, mais retournée sur elle-même, comme une force autopsiée évidant son propre noyau et capable de refaire le lien entre toutes les choses, capable de les synthétiser toutes, si, plus qu'un symbole peint sur ses toiles, il parvenait a remettre la main sur Shalima. Son esprit passait, et repassait incessamment a travers ses propres motifs, comme la trame du tisserand a travers le motif chaotique d'un tapis volant fou ; mais sa pensée était sans force, sans la présence de Shalima, et se diluait dans le vent de ses représentations, sous la forme d'une nymphe blottie dans ses cotes, comme une lampe de chevet au fond d'une grotte, remontant le ruisseau de ses cascades nerveuses qui pendaient en lui, comme un tissu déchiré, qui fuyait la lumière circulaire de l'oeil qu'il aurait préféré voir briller toujours « Je ne suis rien, je n'ai pas de nom, je n'appartiens a aucune dynastie, je descend directement des conciliabules de la lune avec les nuées, je suis pure sensation, sans trace dans le monde, Peneloppe qui ne laisse aucune traînée de mémoire, une visée qui ne se répète jamais en elle-même et qui se nie parce qu'elle tombe toujours a coté de son axe». Il lui sembla que tout renaissait identique et différent ; autrement. Son amour lui semblait si nouveau que même s'il avait fait de chaque mouvement du monde un vocable l'exprimant, cela ne lui aurait pas permis de le reconnaître. Son émotion, cependant fut si forte qu'il décida, lui qui n'était pas croyant, d'aller brûler un cierge en mémoire de cet instant.

Nerey traversa la ville comme si elle avait été la mécanique de son propre coeur, faite de pierres tangible et de briques medujars, qui empilaient les liaisons nerveuses de son désir métaphysique et faisait une sente pavée sous ses pieds immatériels ; comme une rupture d'espace-temps, un puits vertigineux ou seule la lumière habitée, un ciel en métamorphose liquide coulait dans ses veines, par un tunnel, un trou de liberté ou l'axe de la visée étincelait comme le moyeu du char de Parmenide ; il flotta plus qu'il ne marcha jusqu'à l'église Santa-Maria, comme s'il avait été lui-même l'entre-deux entre le verre et sa soif, la part manquante des événements, un transport qui cherche partout a compénétrer le monde pour se rendre tangible dans sa réfraction intelligible et infinie ; et comme un gond oscillant dans l'élément du vertige, un pont jeté sur l'entre deux des gestes rattachés par une même intention a ses muscles, il s'arrêta un instant, tout vibrant, sur la place encore vide a cette heure matinale, devant l'église Santa-Maria, ou volaient les branches des platanes sans qu'il put donner un nom a cette réalité ; réalité a propos de laquelle il aurait put dire a l'auteur du Tractatus, qu'elle était pour lui, comme la limite du langage, contre laquelle, et pour la première fois de sa vie, il buttait concrètement, et ressentait, que son irréalité intime se déniait, se brisait, se dénouait, se décomposait comme un puzzle laissant entre-voir la forme manquante de celle qu'il aimait, et qui devenait le centre d'intérêt infini de sa vie, a mesure qu'il se projetait, et recomposait son image a travers elle ; son désir explosait, recouvrait tout, prenait les dimensions de l'univers, se dédoublait, se détachait de lui-même, donnait sa vigueur a ce qui n'était pas lui, comme un chien de chasse lancé a la poursuite de sa proie, qui cependant ne ramenait a Nerey que ce qu'il ne cherchait pas ; mais inlassablement le mouvement se répétait en lui, comme si l'essence de l'amour avait été la répétition d'une forme infinie en elle-même, l'immuable reprise d'une même intention d'amour qui se reprend, et forme la voie d'un désir parfait ou se réunirait bien un jour, depuis l'horizon de tous ses éclats, le motifs des yeux de Shalima lui rendant l'amour qu'elle avait allumé en lui.

 

Il entra dans l'église comme Jonas sortit, éprouvé du ventre de la baleine. Un prêtre distingué comme un anti-pape, semblait se parler a lui-même seul au fond de la nef, soulevé par la force des mots devant une assistance de fidéles peut nombreuse ; Nerey se calma pour ne pas perturber l'office ; le visage du prêtre lui rappela celui de Diego de Luna qu'il avait déja représenté dans une toile en hérauts errant a la tête d'une troupe de chevaliers mendiants, pionniers conquérants des régions de l'Hurdes cette province oubliée d'Espagne ou avant lui, les gens vivaient dans des caves, sans chemins, sans médecin, en un pays ou le pain et le vin étaient inconnu ; il trempa son index comme une brindille de genet, dans le bénitier... et ses pensées trouvèrent un échos dans les paroles du prêtre qui étrangement parlait aussi de conquistadores dans son homélie. « ….  « Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus » Les premiers qui mirent les pieds sur cette terre vierge ne savaient rien du pouvoir purifiant de l'horreur qu'elle révélait en eux pour qu'ils l'atteignent comme une terre de victoire, « préparé(e) comme une épouse qui s'est parée pour son époux » ; il l'apprirent en traversant le désert de Las Palmes, ce grumeaux de lave chaotique éclaboussant jusqu'à la mer ou les « premières choses », comme les deuils les cris les douleurs, doivent retentir pour disparaître. Ils ignoraient, en abordant ces lieux inhospitaliers, quel trésor de sagesse il y étaient venus chercher sur ces terres arides et stériles, qui sont aujourd'hui couverte d'orangeraies a perte de vue , ils ignoraient, que la providence leur offrait son agape, présenté sous la forme de l'hostilité, sous la forme qui requiert la confiance, pour qu'ils acceptent non pas seulement le don dans un esprit d'avarice, mais surtout le donateur, qui les força a reconnaître, par les épreuves, son intention en les sauvant des « premières choses » dans lesquelles ils désespéraient ; ainsi en présentant ses dons sous une forme énigmatique qui effrayait leur coeur, dieu exigeait leur conversion, pour que, puisant dans Son amour « toutes choses » puissent profiter au bien de ceux qui l'aiment. Ainsi aussi, lorsque l'auteur anonyme des « coplas de la Pendera », un parmi ces anciens campesinos qui transformèrent ce désert en oasis, dénonce la folle décision d'une reine d'accroître le nombre de ses forteresses dans sa lutte contre les maures, il n'oublie pas de dire que c'est par ce surcroît de souffrance infligé au peuple, que celui-ci vît dans le délire de la reine une opportunité de la foi ; il n'avait pas tort de chanter que les moyens du rêve devenu volonté, avaient été une ruse divine, qui a la fois avait éveillé les dormeurs soumis et indigents, et aussi, renversé la bêtise propre au monde et au siècle, contre elle-même, en élément de grâce et de bonté, favorisant la rencontre de chacun avec Dieu, c'est a dire avec lui-même, puisqu'aussi bien : « La loi du Seigneur est parfaite, recréant l'âme » ; et qu'une partie de la force nécessaire pour s'arracher aux héritages vulgaires de leur siècle, avait été le coup de fouet de l'extrême misère ou la monarchie les maintenait, coup nécessaire aux haridelles de lymphes blanche qui défaillent, pour bondir et franchir les frontières du chaos de la royauté divisée, ou ils pourrissaient desséchés, faméliquement affamés de vie tout aussi dégouttés des excès émollients de leurs pères, que nous le sommes de ceux de la politique aveugle de l'humanité artificielle d'aujourd'hui. Ils risquèrent tout, vendirent tout, emporté par une intention vide projetant de construire, au-delà du raisonnable, un port sur le littoral sud des provinces les plus inhabitées et désertiques de l'Espagne ; leur rêve n'était pas de poser sur le désert cartographié un nom qui auraient étendu l'empire monarchique du chaos, ni d'ajouter un vocable a la syntaxe de la haine royale, qui « excite les querelles », mais de dire une réalité toujours nouvelle, celle de l'individu libre devant Dieu, rêve qui devenait réalité a mesure qu'ils parleraient cette langue neuve « qui excuse toutes les fautes » s'il trouvait une première terre et un premier ciel a traverser ; seule langue capable de les arracher a ce chaos monarchique, et de recréer leur âme ibérique de montagnards, comme y sont contraints les déboutés, les exilés sans avenir sur la terre, ceux qui vivent d'un héritage de misère, ceux qui ne sont rien dans leur cadre d'origine, et qui sentent leurs forces mise au cachot pour laisser fructifier les fruits de l'ivraie ; Aragonnais, Catalans, par ailleurs tous issu de religieuse extraction, de l'extrême amour, tous frère et soeurs de Thérèse et de Jean d'Avila, tous excommunier d'Avignon, a l'origine un simple fumier destiné a engraisser les terres lasses du catholicisme pervers en suant la faim sur le bûcher des vanités inquisitrices, ils voulurent, et c'est compréhensible, bâtir un port, hors de l'Espagne qui fut aussi une région nouvelle de l'Espagne pour devenir comme maîtres et possesseurs de leurs fruits, et c'est cette contradiction qui se révéla pour eux, comme une route et un chemin de vie et de salut, lorsqu'ils virent dans l'intention incohérente et ruineuse d'une Reine, d'élever une forteresse pour ses armées dans la lutte contre le Maures, sur le littoral Sud du royaume , l'occasion secrètement toute différente de Dieu, d'ébranler leurs asservissements a des intérêts qui les faisaient rougir de honte et d'élargir le royaume d'une province ou renaîtrait en eux un peu de l'espoir qu'il avait mis et perdu dans les pouvoirs terrestres ; Basques et Andalous noblesse d'immigrant, chevalier errants, ils devinrent noblesse indigènes, indigents mendiant l'asile d'une terre vierge, prêt a franchir, dans un risque absolu et fou, sans le savoir, plus de frontières et d'obstacles que leur siècle asphyxié n'en pouvait comprendre et a s'affranchir des chaînes et des contraintes héritées du temps. Ils étaient engagés volontaires dans une tache dont aucun d'eux ne percevait le terme, mais qui a tous le moins les engager dans une tournure d'esprit ou la liberté et la joie grandissaient dans la peine et n'entaient ni railler, ni détourner absurdement comme le fut l'or de Colomb qui servit a la répression du Tiers État, plutôt qu'a l'essor de la liberté du peuple ; l'auteur anonyme des « coplas de la Pendera » dénonça souvent, l'aveuglement du pouvoir terrestre, contre lequel, parmi ses frères Castillans et et Valenciennois, il planta le miroir poétique qui déchira l'impasse des perspectives historiques de luttes fratricides par une fracturante vision de langue déliée qui parlait de terre nouvelle, d'espace vierge inspirée par la récente découverte des Indes occidentales ; le poète anonyme avait chanté que ce qui était en train d'échouer en Amérique était un rêve qui pouvait se réaliser en Espagne, si quelques coeurs nobles et dignes étaient suffisamment pourvus de foi pour croire que derrière les signes du temps et les intentions belliqueuses d'une Reine se jouait la ruse, d'une intention immuable de la Providence autrement plus humaine et charitable ; les « coplas de la Pandera » lancèrent a travers l'Espagne un cri de mobilisation générale et souterraine auquel chacun était convié, au prix de son salut, de participer comme a une oeuvre immortelle de libération, qui n'avait pas d'autre mesure ni d'autre maître que le renoncement personnel de chacun en dieu ; ni d'autre saveur que celle de la poussière qu'on soulève de ses sandales, lorsque, excommunié, banni des synagogues, on tombe et se relève, en rendant grâce a la force qui nous porte et avec laquelle ils fondèrent la gremia des santos par leur effort personnels a la légitime appartenance de chacun a la réalité d'un bien commun offert a tous, et hérité de dieu par l'effort de chacun a se renoncer ; de sorte que, chaque fois que l'un d'eux tombait et buvait la poussière, dans leur aventure insensée, loin d'en désespérer, il ressentait, a nouveau cette saveur unique de la liberté lorsqu'on en use, et d'où jaillit dieu quand on la frotte avec suffisamment de vigueur pour effacer les premiers signes du temps, comme la lampe des contes. Le mouvement simultané de tous les rebelles, se coordonna de lui-même, comme un luthéranisme invisible oeuvrant dans l'inconscience des coeurs contre lesquels les rois ne peuvent rien, et ainsi sans qu'aucune autorité autre que le rêve commun issue de l'oppression, ne l'interrompe, les premiers germes de la république virent le jour et émergèrent comme une île bienheureuse, sous les pieds des monarchies qui les avaient elles-mêmes semées pour qu'une telle chose ne se produisent justement pas. »

Puis l'ordinaire de la messe repris au credo : « Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre.... »



Les colonnes qui de part et d'autre de la nef jalonnaient tout le corps de l'église semblèrent a Nerey comme les touffes de laines qui s'enfoncent dans l'épaisseur du tapis de dieu, juste au revers du motif encore invisible, ou l'angoisse des repentants, se renverse et ou la langue meurt ressuscitée en coeur compris.

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