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01/04/2017

Des dommages infligés au pouvoir adamique de la représentation

Reporterre — Que s’est-il passé l’an dernier à Nuit debout ?

Frédéric Lordon — Une irruption. L’autre nom de cette irruption, c’est la dé-confiscation. Des gens ont pris l’espace public, qui est le lieu même de la politique — n’en déplaise à Mme Hidalgo, qui avait qualifié Nuit debout de « privatisation » de la place de la République (faut-il s’être définitivement perdue pour proférer des énormités pareilles…) Des gens, donc, ont pris l’espace public pour dire qu’il était leur, comme est leur la politique dont cet espace est le lieu. Les affaires publiques sont nos affaires, voilà ce qui a été dit à Nuit debout, énoncé en fait élémentaire, trivial même, mais dont l’évidence est systématiquement recouverte par les fonctionnements institutionnels réels, qui œuvrent tous à la dépossession. Nuit debout en quelque sorte, ça a été un retour à l’essence de la politique, retour qui n’a pu sembler inouï que du fait que cette essence est obscurcie par les captures de la représentation étatique-parlementaire

 

Le principal succès de Nuit debout en fait demeure invisible : il s’est silencieusement inscrit au fond des esprits, car Nuit debout a précipité au travers de tout le pays cette idée simple, mais puissante que « quelque chose ne va pas », que « ça ne peut plus durer comme ça ». Nuit debout a clarifié le sentiment confus d’une séquence politique de longue période, on pourrait dire pour faire simple celle de la Ve République (mais, en fait, c’est tellement plus profond), arrivée en phase terminale : la combinaison du désastre néolibéral et de la confiscation institutionnelle n’est plus tolérable. Si les hommes de la politique instituée pensent que, la place de la République désertée, ils ont la paix et peuvent revenir tranquillement à leurs petites affaires, ils se trompent, et de beaucoup. Ce qui s’est inscrit dans les esprits ne s’effacera pas de sitôt. Les places peuvent être réoccupées, les rues reprises, à tout instant.

 

https://reporterre.net/Frederic-Lordon-Nuit-debout-a-ete-un-retour-a-l-essence-de-la-politique

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