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23/05/2015

Bohémiens en Voyage (Charles Baudelaire)

 

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La tribu prophétique aux prunelles ardentes

Hier s'est mise en route, emportant ses petits

Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits

Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

 

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes

Le long des chariots où les leurs sont blottis,

Promenant sur le ciel des yeux appesantis

Par le morne regret des chimères absentes.

 

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,

Les regardant passer, redouble sa chanson ;

Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

 

Fait couler le rocher et fleurir le désert

Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert

L'empire familier des ténèbres futures.

Der grüne Affe (Blog)

 

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Collé au mur Boris Sobrov tend l'oreille, ce sont des frôlements, des pas, un robinet qu'on tourne, une porte fermée doucement - parfois, sur la cloison, le long passage d'une main. Le crissement de l'anneau sur le plâtre. Un froissement d'étoffes,                  presque un souffle - une chaleur ; puis une allure nonchalante qui s'éloigne, vers la cuisine, au fond, très loin, des casseroles. Un bruit de chasse d'eau : une personne vit là seule, poussant les portes, les  tiroirs – il glisse plus encore à plat, à la limite du possible, sa joue sur le papier peint gris, mal tendu au-dessus de l'oeil droit : il voit d'en bas mal punaisées  une vue gaufrée de Venise, « La Repasseuse » à  contre-jour.
    Boris habite un deux pièces  mal dégotté, au fond d'une cour du 9 Rue Briquetterie sans rien de particulier sinon peu de choses, des  souvenirs de vacances posés dans l'entrée sous le compteur et soudain comme toujours la  cloison qui vibre plein pot sous la musique le tube de l'été OHE OHE CAPITAINES ABANDONNES toute la batterie dans la tronche il est question de capitaines, d'officiers trop tôt devenus vieux abandonnés par leurs équipages et voguant seuls à tout jamais, suivra inévitablement LA ISLA ES BONITA en anglais scandée par Madona - les plages de silence sur le vinyl ne laissent deviner ni pas de danse ni son d'aucune  voix parole ou chant.

283. Presque toutes les fictions ne consistent qu'à faire croire d'une vieille rêverie qu'elle est de nouveau arrivée.
André MALRAUX Préface aux Liaisons dangereuses

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L'aurore jetée en vrac comme une ampoule de sac plastique froissé, ses ailes froides et transparentes repliées avec les cris d'oiseaux qui s'en échappent a chaque indicible mouvement ; a la fenêtre l'enfant terrorisé figé dans l'unique tremblement de l'effroi, fixant les grandes embardé du chalutier sur la soupe amer, sans bruit le grand écart du jour déploie son compas, trace un cercle autour de la maison , un cercle que l'enfant ne voit pas mais ou il pressent le plomb du balancier oscillant et repeignant a ses yeux l'obstacle de ces planches, clouées a d'autre point du jour qui masquent la lumière, celle essentiellement absente, essentiellement présente une fois chaque jour, l'instant d’éternité, quand le gond frappé de l'huis vibre d'une seule voie. L'aube verre lacté cimente les dernières vapeurs de la nuit, le jour se lève, c'est déjà grand midi. Un téléphone vibre dans le silence absolu, un corps se lève mécaniquement, et de gestes lents et las, couvrent leur propre nudité pour aller investir les régions ou l'on sait et qui le fragilise déjà quand il pense qu'il traversera, l'aube oublié, dépité le couloir froid en pente vers le jardin d'enfants climatisé. A la crèche elle laissera son bébé pour la journée et elle sait que tout le jour il lui faudra lutter intérieurement, contre le sentiment que plus aucun instant ne peut plus s’enchâsser vers son centre d’intérêt, que dans le désintérêt des hommes a son égard, elle devra laisser dans l'ombre l'objet interne de son désir, ce paradoxe qu'elle a porté vivante pendant neuf mois ; déjà elle a fait le nœud secret autour duquel circulera les flux gravitationnels des torrents de la journée ; déjà en le laissant, elle est a ce soir ; le reste n'est que foutaise des lors qu'aujourd'hui comme tous les jours elle commence son travail par renoncer a ce qui lui est le plus chère ; ses talons crisse sur le lino de la Préfecture, comme ses mots, ces pensées ces paroles qui durant tout le jour seront faux pour paraître humain, jouer la comédie de l'humain ; a la nuit tombé elle retrouvera la création et sa lumière, la respiration d'esprit et de matière, de tous les sens huit heures par jours congelés par l’atmosphère modifiée qui règne au standard des bureaux de l'administration.

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