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15/05/2013

Aufhebüng, sui generis

Dans la nuit, l'écrivain s'immisce entre lui et son double; il s'exproprie lui-même;fait le tour du propriétaire; s'arrête pour se baisser; tâte des mains la terre; la roule sous ses doigts; en hume tout l'arome d'illusion; et la goûte parfois. Perplexe devant tant de différences qualitatives dans un aussi petit jardin existentiel, il n'attend pas que l'inspiration le visite, il ne se jette pas non plus a corps perdu dans le travail, il fleurit comme un pétale se dédouble dans un autre, semblable et différent; par vagues il laisse croître la mer en lui; et se dérouler le colimaçon qui remonte du fond du vertige jusqu'à la prise certaine du roc ou s'agrippe l'alpiniste comme a la vraie racine du monde en gravitation; il dédouble dans son âme l'unité de son corps vivant et pensant; il peut rester ainsi des jours durant dans son ascèse a écouter les fascinantes sirènes de l'effroi; il contemple de l'extérieur le paradoxe qui le constitue intérieurement; alors seulement il choisit ses mots pour ne pas assombrir la page; parce que l'essentiel se contemple dans le silence, mais seul le discours cohérent qu'il tient sur lui-même fait de son double son plus intime compagnon; il parle comme on referme une faille; or le seul discours cohérent qu'il puisse tenir sur son extase paradoxale depuis le point de vue le plus humain, ou il serait péremptoire de seulement signifier la souffrance et la misère universelle propre a cette bête étrange qui naît dépossédée d'elle-même, et de dire, plus profondément, et moins directement, qu'assuremment une félicité en dieu doit être attachée a cet état puisqu'il est l'extase d'un espace de présupposition qui se manifeste par nos choix, dont la vérité absolue n'est pas en sa possession comme il le comprend en se heurtant aux limites du langage, et au grand absent de la langue qu'est l'aufhebüng, mais en un dieu qui démêle tout; un état d'extra-territorialité de la vérité; non pas tant un exil, qu'une forme de complétude qui est absurde pour elle-même, parce qu'elle n'a sa vérité que dans un Autre; une extase capable de comprendre qu'elle est tout sauf en possession de la moindre vérité sur elle-même; et que par conséquent si cet état n'était que le fruit du hasard alors la terreur et la confusion serait une loi universelle et régneraient partout a tel point que la question d'un sens ne se poserait même pas; or elle se pose a l'écrivain, qui commence toujours par la comme Platon dit quelque part que l'homme débute toujours par l'erreur et le mensonge; mais de sa non-vérité l'écrivain fait le tissus de sa doublure qu'il peut boutonner comme les deux pans d'une veste, sans que l'existence paraisse un vêtement froissé trop ample ou trop étroit, lorsqu'il la referme comme une absolution renvoie au verbe la lumière qui en émane, et qui fait des trous dans la langue; c'est ce sentiment de la complétude paradoxale de la phrase qui reste dans le suspend définitif des voix d'un bon roman. Et l'instant ou tout s'arrête quand le mot manque a relier les contraires, en dandy l'écrivain y choie et en traverse les averses de non-dit, ne tente pas d'échapper a la difficulté, mais meurt un peu plus a chaque mot juste et grandit dans la félicité du verbe conjugual.

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