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31/08/2013

sans titre

Baltazar tourna et retourna dans ses draps qu'il avait loué avec une chambre place Clichy sans trouver le sommeil ; n'y tenant plus il se rhabilla et sortit marcher un peu dans les rues de Paris, pensant qu'un surcroît de fatigue finirait bien par lui apporter le repos qu'il cherchait en vain ; instinctivement il pris la direction de la station Ménilmontant ; la rue oberkampf godassait, a travers les voitures garées en double file, comme une langue caoutchouteuse et poisseuse toute cloquée d'organismes pluricellulaires, articulant leurs pseudopodes dans les abîmes marins soudain mis en tension de lumière électrique ; des bars louches, jaillissaient des lueurs d'étoiles de mer ciliées, qui tabassaient d'interlopes grappes multicolores d'hippocampes ; ces infusoires faisaient partie d'une chaîne alimentaire qui dévoraient la nuit les efflorescences électriques, les résidus chimique de la lumière et communiquaient comme les abeilles dans un parfum de phéromones en fumant et en se touchant souvent ; cette foule qui n'avait rien d'accueillant, de placide, réconforta Baltazar dont l'esprit pendulait a la lisière de l'angoisse, ravagé comme une ville après un saccage une nuit de saint Barthélémy ; il se laissa emporté, alluvion dans ce fond de vase remué par la houle, entre les putes qui se repoudraient sous les enseignes lumineuses, les musiciens qui finissaient leur verres, et toutes l'immense troupe de ces êtres qui n'appartiennent plus a aucune catégorie socialement cartographiée, jusqu'à un troquet hors d'age, tout dépareillé, sans style ou un verre de rhum fît neiger sur son imagination bouillante une fine pluie mordorée aux teintes de cognac. Dans la lumière whisky du bar encore peuplé, un fou, prostré au fond de la salle, déclamait, monologuait en parlant très vite, par saccades et salves alternatives des mots et des phrases sans suite qui résonnaient dans le bouillon de la rumeur persistante comme des grumeaux d'une voie qui dialoguait depuis l'eternité avec des êtres inexistants : «  Pas vu t'es fou qu'ils ont dit ; j'veux pas de vos pillages, j'veux que vous écoutiez voûté la pierre blanche tendue, il me l'ont coincé dans l'oeil les salauds, arraché a l'os des baleines ; grasse comme des endives marines, je leur ai dit c'est comme les patates, ça pousse dans l'ombre, sous le verre ; faut prendre tes pulls ils ont dit faut s'laver qu'ils ont dit ; ça pue! les voies me l'ont dit ; c'est thématique un carnage ; formologique, avec partout des serpents, et du sang, des maladies de peau, tu parles Charles! de la pourriture! de la faute maculée bandée a collin-maillard de merde, tout barbouillé ; j'veux pas, j'veux pas d'avenir, moi, j'veux que tout s'arrête mais l'esprit veut m'étrangler, comme mon oncle déguisé en vampire ; il faut pas toucher aux enfants, on ne me touchait pas, mais ça manque le physique ». Les clients, tous des habitués ne prêtaient aucune attention au vieil habité ; la tête basse il occupé une table vide de consommation ; Baltazar due se pousser un peu a cause d'un groupe de deux couples qui s'incrusta contre le zinc ; l'une des femmes portait une robe couleur corail qui lui rappela celle de la forme qu'il avait montré du doigts a Jacques dans la station de métro ; il s'écarta du groupe et se rapprocha du délirant qui repris son laïus : « y'avait ma mère sous la douche ; elle pelait décomposait ; elle a une maladie grave … elle va mourir … sans bras … ce n’est pas le bon service, elle doit aller en dermatologie ou donnez-lui un traitement pour qu’elle ne souffre pas et qu’elle puisse mourir en paix à la maison … je sais plus .... mais ça ma toujours fait pleurer les mots la mort de maman …. je sais plus si elle est morte de ça d'ailleurs, de  mon chagrin, pas de câlin pour les grands garçons qu'elle disait parce que l’eau c’est un solvant et j’ai peur de fondre....si je me vide, qui c'est qui me rattrapera, c'est comme les toits, les coquelicots, les fautes graves, j'peux pas flotter si j'me noies, si je suis vide. » Le vieil homme barbu paru un instant a Baltazar l'incarnation de la sagesse, une bielle vibrant dans sa culasse, comme un coup bu en trop, comme une sobriété du désir, une lucidité effroyable du diaphragme de la lumière dans une vallée de ténèbre et un monde ivre de confusion. Un vieux bebop jaillit des hauts parleurs du poste de radio qui était coincé comme un livre souple et ondulant sur les étagères de liqueurs derrière le comptoir ; et en l'entendant Baltazar pensa a un vol de chauves-souris qui s'echapprait d'un moteur de voiture quand on souleve brusquement le capot ; il reconnu « nigth in tunisia » dans la cornue de Dizzy Gillespie toute vibrante fiole d'aube liquide dans le cuir tanné des épines de la ségrégation raciale ou sifflaient des symphonies de l'ailleurs vrombissantes entre les murs du bar comme dans l'interieur d'un cachot, d'une crypte sans porte ni fenêtre, mais métamorphosée de l'intérieur, comme un enzyme alcoolique mue le sucre en eau de vie, dans l'alambic sans oxygéne du prince crapaud bouilleur de cru qui s'y connaissait question rapt, et vous déposait ses ailes de colibris au tympan des premiers pas sur la lune de nos ouïes séquestrées. Baltazar repris un rhum et repensa aux événements de la journée : «  je n'ai absolument rien d'autre, sous la main, pour ne pas finir comme lui, pour dégripper le moteur coincé dans ces contradictions, sinon ces contractions de temps idéale ces artefacts d'idées, qui permettent de rejeter le filet toujours un peu plus loin mais résumé...mais plus loin jusqu'où? Resumé comme on contracte un parcours qui s'enricit de sa propre semence....La ou il n'y a rien au-delà, la ou la pensée se perd dans le trou délirant des schizo cervelle. Qui peut distinguer dans le sort qui est le notre, notre fin, peut on y rattacher un seul choix duquel on puisse dire, que peut-etre, vu son poids, il retourne toute cette angoisse et la renverse en une ferme certitude? Qui veut opérer? Les prétendants au langage ne manquent pas …. mais lequel peut trouver un organe qui n'existe pas encore chez les hommes? Celui qui sait qu'il n'existe pas a peut-etre plus de chance de le trouver que les autres. La radio ment ; la télé ment ; les journaux mentent ; même l'odeur du propre est un artifice des marchands de lessives.... » Le vieux fou repris sa complainte d'une voie élimée d'avoir trop soufflé, sans faire aucun geste, il parlait comme si la parole l'avait traversé sans aucun effort de réflexion ; il paraissait inoffensif, et sa barbe le faisait ressemblait a un vieux bouc paissant des ronces dans un champs. « Quand j’ai mal, j’existe ; faut pas souper sans se laver les mains ;  même si on a des coups de soleil ; parce que ça fait des ombres sur les murs et s'ils disparaissent comment j'vais  sauver ma peau?  j’ai la peau écorchée … c'est ma maladie c’est une punition divine … l’eau, le savon ça me dégoûte … qui me lavera quand je serais vieux ? Est-ce que vous avez besoin de moi parce que moi j’ai besoin de vous … je veux sauver ma peau ! Même si je suis la honte de la famille, même si j'ai pas le droit … je devrais être mort parce que je suis son préféré, son plus beau choux....». Sa peau ressemblait au cuivre devenu gris, au faciès parcheminés des mineurs, aux éponges imbibées d'eau croupie, d'eau ridée de mort ou se dessine déjà l'envers du visage, et sa barbe au teint de plomb pendait comme des stalactites d'oxydes carbonés, le nid broussailleux et déserté des soudures tombées du plafonds ; ses doigts longs et osseux sortaient des mitaines filandreuses comme des racines, ou d'un brin de laine plus noir dans la touffe de ses ongles longs semblait parfois  jaillir une étincelle ; Baltazar pensa en le scrutant du coin de l'oeil « De ce qu'il y aurait a dire, il ne nous reste aucun ton ; tout est délavé ; ravalé, amoindri, lessivé peut-être parce que nous sommes sans repère pour déterminer, dans notre sort le renversement de l'inconscience en esprit ; sans langue pour transcender les images de la fin qui sont fausses, sans aune pour les distinguer d'une vraie finallité qui serait effroyablement nue d'image ; mais qui sauverait pourtant le present, de la crapaudiére des fumées toxiques, et libererait l'espace courbe de l'oeil vivant, la cornet du desir entierement un et reflechit ou nous sommes enfermé pour le voyage tout en transparence ; mais notre peur forge sans arret des images du terme, des images de la réalité de la fin qui pourtant, a chaque instant passe, absolument incertaine et confondu de fausseté, rejoindre l'indéterminable en nous, et ce qui nous glisse entre les mains, s'offre comme avenir, a la mesure d'une langue qui si elle disait exactement toute cette incertitude, renverserait ce trouble en force, et abolirait la croyance en l'inconscient par ou commence le règne de l'esprit. » Baltazar imagina le vieux fou, dans une vieille gabardine, sans timbre, gris novembre, enjambant a grande foulée le pavé, une canne a pommeau dans la main ; il la porte aussi loin qu'il peut, devant lui comme une torche pour s'éclairer, la soulevant avec un bras de bronze, qu'il passe comme un poing, a travers les médaillons de brumes et sous les réverbères, il boxe dans son trop grand manteau des cloques de lumière pisseuse ; et là ou la brume devient une épaisse purée d'ombre, son haut de forme en cartoons le touille et le tourbillonne dans le chaudron ou il disparaît, dans un dernier éclair de foudre noire, sous les traits d'un fouet. Et il l'imagina soulevant la croûte noire des fontes la nuit, pour se réfugier dans son trou d'égout. Il portait autour du cou, une minuscule clochette vermillon, qu'il chassait de tant en tant d'un revers de la main dans un geste félin ; Baltazar le vit au fond du bar comme une peinture rupestre, une épitaphe moderne de la mendicité, une allégorie de la nature humaine croupissant sous un porche. Enroulée dans son ombre de chair glacée toute une cathédrale d'os saillant, glissant la nuit sans un bruit, a l'écart des hommes, sur ses incompréhensibles axiomes de torches crépitant entre ses lèvres gercées, comme la crécelle des lépreux résonnant entre les bornes des régions ou les hommes ne s'aventurent jamais ; sa vieille bouche pointue, infatigablement grommelait les runes du mystère qui fait fuir les rats, les yeux luisant comme des citrons que plus rien ne surprend « ... le trident de Posseidon dans le pavé du temps, je vis content je lui ai dit, du rat pris aujourd'hui. ».....Puis soudain, l'homme dédoublé se lève, se dirige droit sur Baltazar tout décontenancé et plante les flammes de son regard dans ses yeux : « Deux infirmiers brisent les ailes d'un papillon, parce que parait-il tout est recouvert de glace aujourd'hui, et que plane les interdictions de vols pour protéger les avions … ils le roulent comme un tapis et le fourguent dans leur ambulance sur ordre du docteur …. on le passe aux rayons x, on scanérise sa tension cérébrale, mesure l'age de ses artères et la granulosité du terrain poreux, comme on sonde un puits artésien par le cul de la création infinie de Dieu ; puis ils le relâchent, les ailes toutes froissées, qu'ils ont dit, parce qu'il y a du mou dans le débit des hautes fréquences d'un amour qui effraie. »

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