13/11/2013
sans titre
Le jour se lève sur une brume de montagne tombée sur la ville, la veille ; c'est un torrent blanc et immobile qui charrie des pans de murs et de trottoir a mesure que Siphyl le traverse lavé de tout sommeil ; il respire a plein poumon et flâne par les rues sans but précis, juste porté par sa joie toute neuve ; il a l'impression de flotter dans un vide inaccessible, sur la rivière morte de sa raison ; il pourrait s'effondrer a tout moment, sans s'en rendre compte, tant l'abîme qu'il porte resplendit et éclate dans chaque chose autour de lui ; près d'un fleuve évaporé, la brume est assise sur le banc désert, elle occupe toutes les places et encercle la rue du « Puits » ; un cygne pris dans de la glace glisse lentement sur la surface d'un étang qu'on ne voit pas ; il surgit comme une perruque du XVIII, et disparaît en tournant sur lui-même comme une danseuse de porcelaine ; elle est partie rejoindre le sommeil des façades qui s'étale par instant comme d'étranges blasons, d'énormes traces de pneu debout entre les branches noires du jardin des plantes ; cercueil de pierre sous l'oeil irréellement bienveillant des muses et des dieux neutre de l'affiche que l'humidité décolle et corne comme des copeaux de pierre vivante ; les pin-up sortent du rêve et réclament des lettres géantes pour mieux lire leur destinée muette ; les rares voitures roulent au pas, le silence est inhabituel ; aucun chant d'oiseau ne module la symphonie ; chaque mouvement tourne au ralenti s'espace de vide blanc ; au loin , des ouvertures de symphonie vibrent sans mensonge dans la mélasse de l'éveil ; la ville entière se décomposent en morceaux qui n'ont rien a voir entre eux ; et d'autres images se forment comme échappées des murs, révélées par la brume ; Siphyl recouvre ses esprits, des dragons déploient leurs ailes a la cimes des arbres ; le capitole n'est plus qu'un tas de ruine fantastique, un puzzle de poussière ensanglanté pris dans la neige intemporelle des nuées ; la position de l'air est visible autour de chaque objet ; une poubelle fume comme une larve d'Alice ; sa langue turquoise est insensible a l'étoffe qui en perd son innocence ; la vague de fumée blanche l'enserre et un instant c'est le bleue profond des glaciers qui surplombe une archipel de coton sans nuage ; l'insouciance de siphyl perce a travers le brouillard le ciel disparu et le fait remonter a la surface des tropique du cancer ; la source de lumière est indiscernable, il n'y a plus de terre, plus d'horizon, plus de repère, le lieu semble n'avoir jamais connu de points cardinaux, ni aucun nom, tout n'est plus qu'un immense voile blanc de vapeur et de bruine épaisse a couper au couteau ; Siphyl n'y voit pas a deux mètres, il se sent invisible fondu a la bruine étincelante ; comme transporté par un rêve ; déjà les vendeuses s'activent sous la cloche des vitrines, Siphyl hésite, les confonds parfois avec les mannequins immobiles qu'elles déshabillent et rhabillent sans arrêt comme des petites filles anxieuses jouant aux poupées sages ; Siphyl longe une bordée de commerces ; comme il a l'air de faire bon et chaud la dedans ; mais cette franche solidité ne le tente pas, le poids du nécessaire effraie son imagination qui y crèverait asphyxié ; il s'imagine pénétrant dans l'un d'eux, la vendeuse lui demande ce qu'il désire, et il commence a suffoquer ; la brume est une magie qui transfigure tout mieux qu'au cinéma ; il veut en profiter, parce qu'elle lui semble l'intérieur d'un oeuf ou au mieux il jouit des facultés de son être, les nuées sont pour lui le support parfait a l'équilibre de l'imagination et de la raison, c'est en elle qu'il ressent le mieux sa joie ; des ouvriers boivent un noir le béret sous le coude pendant que la fourgonnette les attends et roucoule sa tôle ondulée le long du trottoir ou passe un chien, moitié fox terrier, moitié errant qui d'un mouvement leste et presque sans s'arrêter pisse contre son pneu ; l'urine coule et se répand autour du caoutchou noir en fumant comme un oeil plein de colère ; un de ces yeux que les éboueurs efface en pensant aux chignons des belles qu'il faut mettre en valeur dans un milieu aseptisé ou la beauté n'a aucune expression naturelle ; ils entrent en scène et fignolent la mise en place des planches, traînent de grands cabas a roulettes comme des pére Noël ; ils font disparaître l'absolu difference, la monstruosité du réel, affinent l'écrin de la perception dans l'indifférence ; ce caractère tellement urbain se refait chaque matin, une peau morte de phoenix, qui gomme l'horreur du contraste l'horreur du silence infini, et avec lui le reliefs de la grâce, de la seul beauté ; le contraste des corps policés sur la surface lisse de la ville est une flux physiquement indifférent aux rares paumés du petit matin qui rentrent muets en traversant leur propre cendre et dorment déjà en regagnant leur lit ; la rue de Metz ressemble a l'Olympe, une perspective de bonheur a travers les ages ; la hall aux grains s'anime, c'est jour de marché, jour de chance du camelot ; le poissonnier et le boucher fument en soufflant sur leurs mains des circonvolutions qui ourlent leur lèvres, et leurs font des ongles de sorciers ; des intestins, des langues pendent déjà au crochet ; Siphyl aperçoit au loin les trois silhouettes presque humaines de Macbeth ; dans l'air froids elles éviscérent une bête ; on déroulent des câbles perdue dans leurs long cheveux, on décharge des caisses de pacotilles, des bibelots d'ailleurs, des pendentifs de rien du tout qu'il faut enjamber si on veut passer entre les étals en bazar ; Babel se met a l'oeuvre ; Siphyl s'attarde sur quelques cagettes de livres qu'un bouquiniste frileux et encharpé est en train de gerber sur une table improvisée ; il remarque ces mitaines, elles lui donnent l'air d'un mendiant ; il lui sourit pour le remercier ; le placier est reconnaissable a sa casquette de facteur et sa besace en cuir marron, façon « jour de fête » ; Siphyl atteins le canal, descend de la hall jusqu'à sa rive, et longe les berges jusqu'au jardin des plantes ou canards et cygnes s'épouillent dans du coton.
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