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18/01/2014

sans titre 3

Il fait encore nuit quand Tom manque de s'ébouillanter en versant l'eau sur son café dans la chaussette. Six heure trente c'est dur de reprendre le rythme après une semaine de congé a rien foutre, a rester cloîtré a l'appartement comme une algue en suspension qui récupère un peu de l'usure du boulou; et, le temps que le sablier d'eau saumâtre passe a travers le crible, Tom en profite pour se raser ; ses gestes sont automatiques, mesurés, a peine conscient, mais l'odeur du café qui se repend jusque dans la salle de bain au joints déjà pourrissant, vaut tous les anabolisants; Tom boit son jus sans sucre, mais toujours debout, habillé en casant une bonne trentaine de pas dans le mètre carré qui sépare sa table en formica grisâtre de la fenêtre sans rideau de la cuisine, ou il fume la première blonde de la journée; c'est la en fait qu'elle commence la journée, avec la première expiration du rêve aussi volubile que ce pauvre encens, quand la tête dans le brouillard, ses yeux s'ouvrent sur tout ce qui lui dit qu'il va revivre la même chose qu'hier et la même que demain; c'est là qu'est son présent, son enceinte, sa vie moléculaire de placenta glauque et insoluble de bouffe lyophilisée pour poisson rouge comme il se la représente quelque fois quand il pense a lui, quand il se roule un bédo avant de s'enfoncer dans les arcanes de jeux en ligne imaginaire, et quand il en revient tellement confus et excité qu'il se dit ironiquement que son job est pas franchement épanouissant; « mais bon, pas le choix...faut l'faire, si on veut au moins garder sa dignité et ne pas faire la manche, ou pointer au pôle emploi » ; les souvenir de vacances ne l'encombrent pas comme certaines de ces collègues, non plus que les projets d'avenir, il n'en a pas; c'est pas qu'il s'en fout, c'est qu'il a pas le temps; huit heures de taf par jours suffisent a peine a subvenir aux besoins d'un seul homme, « alors une famille, une femme et des enfants...il s'en sent pas le courage... » c'est un abîme incompréhensible pour lui qu'il respecte comme tel; la radio parle toute seule de gain de productivité, de courbe du chômage et de braquage, d'accident, de tort fait a l'humanité tout entière....mais il est sept heure, il enfile sa veste de cuir noir et orange, prends son casque tatoué d'un puma et descends par l'ascenseur les six étages de son HLM. A chaque station le chiffre de l'étage s'allume et s'éteint, comme s'il s'enfonçait dans le tronc mort de l'arbre de vie qui étrangement dure huit heures chaque jours. Huit heure de sacrifice pur et simple ou il est hors de question de penser a soi, de faire ce qu'on aimerait faire ou être ce qu'on voudrait être; hors de question aussi de remettre en doute l'utilité de son travail dont au demeurant Tom reste profondément convaincu, attaché a cette certitude comme s'il en allait de son propre équilibre mental. Il n'est pas syndiqué pour autant. Mais Tom ne s'attarde plus a ce genre de pensées, ils les connaît par coeur, elles ne le blessent plus comme elles le blessèrent autrefois, pendant de longues années quand après la première euphorie du bonheur, la découverte du premier job, la lente descente aux enfers s'ensuivit aussi interminable que la chute d'un junkie tombé des nues; il a apprit a anesthésier la douleur mais c'est peut être aussi ce qui le chagrine quelque fois, sans aller jusqu'à le regretter il envisage désormais sa vie comme un sevrage après un siècle de shoot quand le paradis tombe en miette entre les mains des anges qui découvrent qu'ils ne sont pas fait pour lui; maintenant les critiques coulent en lui avec une absolu indifférence, comme si les mots étaient trop usés, trop entendus pour fêler son être avachi ou plus simplement comme s'il était devenu sourd; il en a déjà peser toute la nausée et surtout aussi toute la nécessaire et unique conclusion a ses yeux: il doit travailler, gagner sa place au sein de la société ou vie et réalité se combinent et s'affrontent. Les porte de l'ascenseur s'ouvrent sur le parking souterrain ou il a garé sa Suzuki de course noire; en un sens il se dit que s'il se force encore a aller bosser, c'est pas seulement pour payer les traites de sa bécane, mais aussi parce qu'il a atteint une certaine sagesse puisqu'il a pratiquement compris et dépassé ce qu'il assimile aux caprices chez l'enfant, a l'impatience face a l'échec nécessaire du désir, sans pour autant s'avouer qu'une certaine artificialité dans son dépassement de la crise, lui permet maintenant très certainement de vivre, de vivre réellement dans la société, mais sans vivre réellement; et si souvent il aime revenir a cette pensée, ou s'il se glorifie d'avoir survécu a la colère et au désespoir, dont il a vu les conséquences nuisibles chez certains de ses amis, et anciennes connaissances de lycée, il ne s'avoue pas cependant, mais occulte, l'autre pendant nécessaire de sa pensée, a savoir, qu'il vit désormais en état de divorce avec l'idée ou son désir semblait vouloir le guider; secrètement, il n'ose s'avouer sa misère, sa ringardise d'avoir aussi médiocrement renoncé, et de ne survivre au désir qu'en mort-vivant ; aussi il conclu, en enfilant son casque et en démarrant ces milles cinq cents chevaux, qu'il ne conseillerait pas sa sagesse aux enfants. Et automatiquement sa réflexion bien domestiquée démarre, et en revient au bail nécessaire du prêt que lui coûte sa belle mécanique tous les mois, (il faut bien travailler pour une raison) dont il veut bien s'avouer qu'il sent pourtant déjà qu'elle commence a le lasser.

 

Le job de Tom est a l'extérieur de la ville; c'est mieux question circulation; vingt minute de trajet, toujours a contre courant, c'est le moment picaresque de sa journée; a force de faire le même trajet par tous les temps, il a appris plein de choses sur l'aérodynamisme de son corps lancé comme une balle contre un mur d'air; et chaque matin se renouvelle son amusement de ses petites nuances, quand il serre le corps d'acier au plus pres et qu'il croit chevaucher quelque quark sur dimensionné, ou qu'il s'en écarte et jouit de la liquidité des pierres qu'il traverse; il a l'impression de voler, de faire une chose dont il ne se lasserait jamais, s'il pouvait la refaire malgré le formatage de sa vie quotidienne ou aucune formulation de sa réalité n'existe si ce n'est sous la forme caricaturale et tragique des huit heures d'esclavage sans passion; en se garant sur le parking du personnel, il pense a nouveau a s'inscrire a des cours de saut en vol libre ; il pointe avant de boire son deuxième noir de la journée; le premier en tant que chef maton.

 

Le jour se lève enfin quand il referme derrière lui, les grilles de la prison ; les actes de pure routine administrative tout d'abord, avant le face a face avec la violence contrariée; le bonjour rapide a l'équipe de nuit qui instruit les diurnes des événements marquants de la veille; les problèmes sont méticuleusement consignées sur la fiches descriptives prévu a cet effet; fiche qui remontera dans la jungle hiérarchique pour se perdre dans l'écho de la source sans retour, plus insondable et indifférente aux problèmes de vivants que la mort en personne; aussi l'important quand on est livré a soi-meme, c'était de ce se communiquer les informations vitales; une erreur de jugement, un geste de trop, un oubli et c'est l'embrasement assuré de toute la coursive; Tom lit : cellule 67 : bagarre....mais Sophia l'interrompt pour traduire en terme plus réaliste et moins administratifs …. « C'est Mourrab qui a pété les plombs...deux heures a hurler comme une hyène prostrée dans sa pisse et puis agité comme un damné sur des charbons ardents dès qu'on l'approchait....un vrai démon, wallah! » Sophia avait toujours des images un peu pittoresque pour décrire une situation difficile a cerner ; « on a du appeler Daniel en urgence, deux doses de morphine pour le calmer; on l'a changer de cellule...on le laisse au 15 pour la journée, Daniel doit repasser...bon voilà c'est tout...je file je suis crevée, bye...; Sophia Denis et Rushdi se quittèrent devant les vestiaires sans même se serrer la main; mais Sophia qui était chef d'équipe ressortit aussitôt: «  Ah putain j'allais oublier Tom! Dix heure ce matin un nouveau : Nanj Kerfu... Homicide involontaire et tiens toi bien musicien devenu sourd qui paraît il avait l'oreille absolue...comme Mozart putain, ajouta t-elle en rigolant nerveusement....j'te l'dis parce que Daniel veut le voir aussi… comme ça tu le tiens au frais avec Mourrab au quinze il verra les deux..... » Tom acquiesça, «  la hyène et le musicien, tu crois pas que t'exagères un peu ... » et Sophia disparue dans le vestiaire en gloussant de rire; Antoine remit ses clefs au chef qui les avait remisé dans le tiroir sécurisé de la guérite sous verre anti balle et Tom grimpa a bonne foulée, l'escalier de l'aile nord du bâtiment jusqu'à la coursive 27 ou il commença a déverrouiller les portes blindées en ayant bien pris soin de balancer un grand coup de latte dans la lourde avant d'introduire la clef, pour faire tomber les cafards et surtout, faire en sorte qu'en désentravant toute la coursive, il n'eut aucun détenus dans le dos.

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