Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/04/2017

De la necessité non-scientifique du signifié transcendant

Nous atteignons la thèse centrale de l'ouvrage de Jaime Semprun ou, pour le dire un peu moins scolairement, nous commençons à comprendre quelle «Pentecôte électronique» (p. 59), quel «chantier électronique mondial d'une Tour de Babel inverse à l'achèvement de laquelle il n'y aura plus qu'une langue pour le genre humain» (p. 65) la novlangue nous promet, qui passera par une égalisation universelle, non seulement l'ensemble des êtres et des choses capturés dans le même filet à mailles fines, mais une nappe de nihilisme dévastateur se dirigeant vers le passé, recouvrant bien sûr le présent, mais se proposant en outre de réifier, d'abraser le passé, qui ne peut être que le domaine coupable, non encore éduqué, du regret, si peu compatible avec la course sans fin vers le bonheur généralisé ! : «Le reste, le seul résidu que laisse le conditionnement de la langue par la précision technique, c'est évidemment la littérature, plus exactement la littérature fossile, l'ensemble des œuvres rédigées antérieurement à la rationalisation en cours, et donc par force en archéolangue. Tel qu'il nous est parvenu, cet héritage littéraire est aussi rébarbatif qu'un bâtiment ancien qui n'aurait pas été accommodé par sa restauration scientifique. Le préalable à toute traduction, ou plus exactement la traduction qui contient la possibilité de toutes les autres, consiste donc à transférer les œuvres littéraires du passé dans notre idiome moderne, à exercer sur elles cet effort d'interprétation créative qui est à la fois devoir de mémoire et travail de deuil» (p. 61). Non content d'éradiquer toute forme de création véritable, la novlangue se propose d'aseptiser, de neutraliser les œuvres majeures des siècles passés : il est étonnant que Jaime Semprun, dans son texte si intelligent, ne souffle mot de l'art contemporain qui, après tout, à bien des égards peut être considéré comme une véritable novlangue pas moins démocratique que sa cousine verbale.

http://www.juanasensio.com/archive/2017/03/29/defense-et-illustration-de-la-novlangue-francaise-de-jaime-semprun.html

Des problémes logiques liés au paradoxal desir de sens

Une sorte de scepticisme s'impose donc globale­ment, voire, comme pour Nietzsche, un grand doute sur la possibilité d'une pensée systématique : "Quel monde méta­physique il doit y avoir, il est impossible de le prévoir." [6] Dès lors, pour celui qui veut créer d'une manière authen­tique, en l'ab­sence de la connaissance de tous les méca­nismes de la Na­ture naturée ainsi que de celle des relais possibles entre la matière et l'esprit, les œuvres de sa pensée ne devraient être qu'hési­tantes, et, à chaque instant, différem­ment reprises ou conti­nuées à partir d'authentiques exigences singulières, même très hu­maines pour M. Conche par exemple : "Dans l'homme, la Nature devient esprit, car la Nature s'ignore, mais l'homme se sait. Mais, puisque la Nature est autocréatrice, l'homme est le plus na­turel des êtres, du moins le plus conforme à l'essence de la Nature, pour au­tant qu'il se fait autocréateur, c'est-à-dire commençant à partir de lui-même." [7]

   Dans cette interprétation de M. Conche que je tiens pour vraie, la Nature ne programmerait donc pas "à l'avance (toutes) ses créations", [8] sans doute parce que la formation matérielle de la diversité des mondes l'exige. Dès lors, si la Nature n'anti­cipe pas tout, elle "crée en poète, c'est-à-dire en aveugle". [9] Ensuite, l'obscurité des sensa­tions et les clartés de la raison pourront sans doute s'as­socier en chacun pour fonder des in­terprétations métaphy­siques qui feront prévaloir l'infi­nité de la Nature naturante sur les jeux incessants de la vie avec la mort, tout en sachant que "l'homme philo­sophe est l'homme créatif, qui existe à partir de lui-même (…) qui place sa con­fiance en nul autre que lui-même pour gagner en hauteur selon la norme et l'idéal qu'il porte en lui."

http://www.eris-perrin.net/2017/04/philosophie-metaphysique-et-folie-du-saut-de-la-pensee-vers-l-infini.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

 

Des dommages infligés au pouvoir adamique de la représentation

Reporterre — Que s’est-il passé l’an dernier à Nuit debout ?

Frédéric Lordon — Une irruption. L’autre nom de cette irruption, c’est la dé-confiscation. Des gens ont pris l’espace public, qui est le lieu même de la politique — n’en déplaise à Mme Hidalgo, qui avait qualifié Nuit debout de « privatisation » de la place de la République (faut-il s’être définitivement perdue pour proférer des énormités pareilles…) Des gens, donc, ont pris l’espace public pour dire qu’il était leur, comme est leur la politique dont cet espace est le lieu. Les affaires publiques sont nos affaires, voilà ce qui a été dit à Nuit debout, énoncé en fait élémentaire, trivial même, mais dont l’évidence est systématiquement recouverte par les fonctionnements institutionnels réels, qui œuvrent tous à la dépossession. Nuit debout en quelque sorte, ça a été un retour à l’essence de la politique, retour qui n’a pu sembler inouï que du fait que cette essence est obscurcie par les captures de la représentation étatique-parlementaire

 

Le principal succès de Nuit debout en fait demeure invisible : il s’est silencieusement inscrit au fond des esprits, car Nuit debout a précipité au travers de tout le pays cette idée simple, mais puissante que « quelque chose ne va pas », que « ça ne peut plus durer comme ça ». Nuit debout a clarifié le sentiment confus d’une séquence politique de longue période, on pourrait dire pour faire simple celle de la Ve République (mais, en fait, c’est tellement plus profond), arrivée en phase terminale : la combinaison du désastre néolibéral et de la confiscation institutionnelle n’est plus tolérable. Si les hommes de la politique instituée pensent que, la place de la République désertée, ils ont la paix et peuvent revenir tranquillement à leurs petites affaires, ils se trompent, et de beaucoup. Ce qui s’est inscrit dans les esprits ne s’effacera pas de sitôt. Les places peuvent être réoccupées, les rues reprises, à tout instant.

 

https://reporterre.net/Frederic-Lordon-Nuit-debout-a-ete-un-retour-a-l-essence-de-la-politique