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12/01/2014

sans titre 2

Noria eut depuis ce jours plus de mal encore qu'avant a travailler et a jouer son rôle dans la comédie humaine sans faillir; quelque chose en elle s'était fendue, scindé, un déchirement entre les apparences prisent en totalité et quelque chose d'autre, d'unique et de distinct, qu'elle avait retiré de l'immixtion pure et simple, et qu'elle n'arrivait pas a recoller avec le reste, et qui pendait, pesait en elle comme peau morte, un parachute retourné et tout chuintant d'air; de plus en plus souvent au bureau ou ailleurs, elle avait l'impression que son corps flottait a la surface d'une eau invisible, roulait comme une bille de bois autonome et détachée dans l'écume du courant lié au tout venant immuable et massif de la vie sans accrocs de fonctionnaire administrative. Tout ne tombait pas encore en ruine en elle, et elle regrettait presque que ce ne soit pas le cas; elle se sentait malade d'une forme de mal être qui la réjouissait en lui donnant a penser qu'aucune médecine humaine ne pouvait la soigner; et pourtant aussi, elle se sentait myope spirituellement, comme un livre froissé en chantier sous le vent, ou l'oeuvre d'une traduction qui n'en finissait pas de transposer les apparences loin des certitudes premières, indiscutées ; certitudes qu'elle refusait encore de laisser fondre en cendre, qu'elle avait toujours eut et qui depuis la mort de son père frémissaient, bruissaient et se fissuraient et lui semblait devenir fausses lorsqu'elle en riait  incongrûment ou prennait peur de s'y enfoncer sans que le coeur ne suive; quelque chose mourrait en elle sans pour autant que la vie reprenne le dessus; peut-être lui manquait-il la langue pour se transposer elle-même d'une intelligence de l'être en une autre? Elle en était la de sa vie et de ses réflexions lorsqu'elle reçue une courte lettre de l'oncle Édouard qui lui annonçait son retour de Patagonie tout en s'enthousiasmant pour le spectacle de la plus pure nature. L'évocation laconique, des lacs bleu de haute montagne sous leur cils de granit ou coulaient les larmes des glaciers d'azur approfondit en elle sa faille; il lui sembla que son pavillon de banlieue n'était plus qu'une boite de conserve, que l'eau saumâtre du petit ruisseau ou elle aimait tant se promener en été n'était plus qu'un égouts, remplit d'écailles qui en réalité n'étaient que des tas de ferrailles charriés par la boue; toute une semaine elle fit le contraire de ce que sa nature poétique exigeait naturellement, spontanément d'elle, et elle idéalisa si bien le mal que son petit coin de campagne, son refuge comme elle disait, s'était transformé en une gigantesque casse auto dégorgeant son cloaque d'huile de synthèse, d'essieu et de détergent quand elle reçu l'oncle Édouard un peu confuse et honteuse; il faut dire que l'oncle était un sacré baroudeurs, un alpiniste chevronné, un grimpeur de première au teint immuablement buriné et fumé qui contrasté tant avec le faciès livide de l'humanité porcine élevée aux amphétamines, qu'elle l'accueillit en retenant un peu toute la joie qu'il apportait soudain a son quotidien terne et sans vie; l'oncle semblait littéralement provenir d'un monde différent, certainement enchanté, ou l'on portait des pulls stretch aux couleurs très bariolées et vives, ayant ses propres manières de vivre, ses horizons inconnus gravés dans le rond de ces cernes pales qui semblaient avoir directement contemplées le soleil au plus prés; a peine eut il franchit le seuil du pavillon, qu'il discerna le dégoût ou sa nièce sombrait et il se félicita intérieurement d'avoir écouter son petit daimon qui lui avait interdit de rester plus longtemps au pieds de ses montagnes adorées. Et quand Noria, le soir au repas, lui demanda pourquoi il n'était pas venu a l'enterrement de son frère, l'oncle Édouard devint plus mystérieux encore et c'est la qu'il la surpris et lui proposa de l'emmener au sommet du Fitzroy ou disait il elle entendrait mieux sa voie.

 

Noria posa des jours de congés qu'elle n'utilisait presque plus de peur de prendre goût aux impasses et se jeta dans l'aventure en emportant un peu de sa faille dans son sac a dos; et trois jours plus tard, ils débarquaient d'un biplan sur la bande enherbée de la piste qui réduisait l'aéroport D'Ushuaia a sa plus simple expression; elle découvrit une ville, faite de baraques qui ressemblaient aux cases d'anciens bagnards relégués au marges septentrionales de l'exclusion dans le grand froid; d'un regard circulaire elle constata que l'horizon était crénelé physiquement tout autour d'elle, et eux de suite le sentiment d'une région plus concrète de la vie, ou l'existence ne se perdait pas dans la contemplation d'horizons plus éthérés; le plateau sur lequel  reposait la ville était une plaque cernée de crêtes enneigées qui faisait D'Ushuaia une vie émergée du fond d'un cratère, d'un choc trés violent; une grande secousse de vent la fit chalouper a travers la ville au bras de l'oncle jusqu'à un hôtel de forme absolument carré ou la chambre louée se trouva être un de ces plus merveilleux faux croisement des temps, incrustée d'histoire improbables, et que le bon goût nomme mauvais goût, entre la chambre d'Elvis a Graceland et celle de louis quatorze a Versailles. La chimère était toute tendue de soie bleue ; la literie était matelassée de coton peigné du même bleu que les murs; ils posèrent leur sac a dos sur des lits a baldaquin et Noria s'endormit dans un rêve sans ombre.

 

La géographie verticale de la pertinence concrète de son rêve la saisit comme ces sensations de vertiges qu'éprouvent les somnolants quand ils marchent parfois dans leurs rêves, mais étrangement elle connu cette expérience en sens inverse; la glace lui cingle le visage, elle est accrochée a la paroi de granit comme un insecte que le vent peut précipité dans le vide a tout instant; mais elle ne tremble pas; la corde qui la relie a son oncle se perd dans les bourrasques, l'oncle est au-dessus d'elle, elle n'en sait rien, mais en a la certitude, elle ne peut absolument pas le voir, et pourtant elle le croit bien arrimé si bien qu'elle en eprouve une possibilité infinie de s'abandonner; la tempête s'est levée de façon imprévisible, et elle repense a ce que lui a dit son oncle au refuge qui a disparu sous les nuées; que le temps favorable, le temps prévisible était l'imprévisibilité qui donne a creuser sa voie; et cette pensée la réchauffe maintenant comme une eau de vie et un bon café, et soulève son âme dans le sens contraire du désespoir, et avec plus de force encore que le vent; elle sent alors qu'elle habite son corps autrement non plus accroché ou suspendue a la falaise, mais y jouant de tous ses membres avec une fiabilité d'insecte et une agilité de virtuose; au réveil il lui sembla que jamais encore encore elle n'avait habité son corps de cette façon; elle en toucha deux mots a l'oncle qui y vit un présage pour elle et une confirmation pour lui, de ce qu'il croyait être le corps capable d'escalader les pics les plus vertigineux, qu'ils étaient habitées de l'âme de la plus grande beauté, celle d'une forme qui est aussi une idée, d'une force qui est aussi visée qui a la fois transcende le corps, et l'habite.

 

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