Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/01/2014

sans titre 2

 

A son réveil Noria découvrit le piton rocheux englouti dans un maelström de neige et de glace mêlée; la langue de granit avait disparu sous un ciel a la lumière aussi épaisse et visqueuse que de la boue; Édouard était déjà levé et annonça a Noria que le temps allait se dégrader encore pendant les prochaines quarante huit heures qu'ils devraient mettre a profit pour les derniers préparatifs; Noria s'enroula dans le dessus de lit soyeux et se posta a la fenêtre, nettement plus terrorisée que la veille; dehors c'était la tempête, une pure sauvagerie austral qui rendait les apparitions du Cerro Torre entre les furieux ébrouements du cygne mythique et plein de neige qui le protégeait et y nichait, aussi effrayante que si a travers le pelage d'un faune monstrueux dont Noria ne distinguait ni la queue ni la tête, l'iris du monstre l'avait soudainement fixé d'un regard plus sombre que le granit; « alors c'est ça ton vrai visage de harpie....mais tu es moins qu'une bête, moins qu'un instinct, juste un noeud de forces aveugles et sans volonté, un piège ….ô mais quel piège... vas-y! ouvre bien grand ta gueule! Rugit! Crache! fais moi peur! » Mais Noria avait peur et ...la neige frappa avec violence le carreau de la fenêtre; Noria colla son front contre la vitre gelée en fixant l'abîme droit dans les yeux..... et pensa avec l'injonction du défi qu'aussi sur qu'elle était femme, elle embobinerais ce mal qui lui interdisait le bonheur absolu, qu'elle le précipiterait dans son vertige et lui ferais boire la mort qu'il voulait lui imposer; une bourrasque imprévisible et soudaine referma la paupière de l'iris rocheux qui la dévisageait déjà comme une proie morte; Noria en reculant instinctivement, se jura de mettre a mal cette vision de l'enfer , de lui crever les yeux, avant de s'habiller et de descendre a la réception prendre son petit-déjeuner d'oeuf brouillés.

 

L'oncle Édouard était connu a Ushuaia comme le loup blanc; Mel, le belle indienne réceptionniste de l'hôtel carré n'échappait pas a la règle; entre eux noria compris qu'ils avaient leur petits arrangements; l'oncle jouait les guides de haute montagne pour les clients de l'hôtel qui sans lui serraient restes alités loin du pic fantastique a regarder les courses télévisuelles de guanacos et autres sortes de jeux des chiffres et des lettres qui formes les moments clefs du processus civilisationnel en court d'abrutissement de ce beau peuple sans écriture; « alors vous êtes Noria certainement? Ed' nous a beaucoup parler de vous vous savez....vous êtes là pour la Pierre...c'est dangereux vous savez....vous n'êtes pas obligé de le faire...; Noria n'écoutait plus; elle mangeait en regardant son oncle qui  se préparait a sortir et enfilait sa Millet rouge et bleu.

 

Dehors régnaient les lueurs de la dernière lumière, et Noria sortit de l'hôtel le coeur en chamade, emmitouflée par le chaos de vitrail brisé qui tombait des toits mangés par la neige qui chutait a une vitesse extraordinaire comme la cendre de la dernière aube soufflée par le jour noir; la ville enfouie sous la tempête s'était littéralement décomposée en un amas de sifflements et de perceptions incohérentes et vide de forme tangibles qui faisait chavirer le coeur de Noria; tout avait été pourtant si simple derrière la vitre, quand elle avait chassé la harpie qui ne pouvait rien lui faire encore; une moto neige traversa la purée de pois comme un vers s'enfonçant dans la vase; l'oncle agrippa le bras de sa nièce et sa mémoire les guida jusqu'à la boutique de North; ils achetèrent tout l'équipement qui manquait a Noria et dans son nouveau costume la fonctionnaire myope de l'administration pénitentiaire, se sentie muer en une exploratrice vagabonde et aventurière qui sait ce qu'elle cherche et se moque de la foule qui en est encore a tenter de définir ce qu'elle cherchera. Sur le chemin de retour son assurance avait cru en elle, tant et si bien, qu'une fois arriver dans sa chambre, elle mit tous ses anciens vêtements a la poubelle.

 

« Tu sais, ça peut durer des jours comme ça...sans accalmie...écoute les deux moments dans la tempête, l'immédiat et le continu, mesure l'écart de la durée c'est lui qu'il te faut renverser, c'est en lui que se dresse la Pierre comme ils disent ici du fitzroy; l'oncle exigea le silence...et effectivement, derrière les sifflements de la tempête se détachait un aria plus grave et imperceptible qui n'évoluait, croissait qu'avec une grande lenteur...et c'est un peu cette impression particulière, cette distorsion du temps que je voulais que tu viennes vivre avec moi ici sur les verticales de la pierre philosophale... » « mais alors pourquoi escalader le pic, si la tempête suffit? »  « la tempête et le cerro torre sont les deux faces de l'expérience que je voudrais que tu vives; je ne te parle pas de l'amour de la grimpette....ou alors plutôt de ce qu'il est en soi...; mais de ce que ce travail t'impose; le lieu est un esprit; le corre torres est l'esprit d'une femme mythique fossilisée, c'est pas une frange de plaque architectonique comme une autre, c'est le triangle des Bermudes de l'alpinisme le lieu le plus singulier de la terre, ou exister prend le sens d'une exposition a un déchirement si bien mesuré par la nature sous la forme de cette dent d'acier, qu'en faire l'ascension c'est se révéler a soi-même » « tu veux dire quoi par lieu d'exposition? Demanda Noria que la pensée enthousiaste et évasive d'Édouard avait perdu; « Une aune, le lieu ici n'a rien d'impersonnel ce mont est pour les indiens du coin, une terre absolument sacrée; sacrée parce qu'elle représente une sorte d'exercice, de rite de passage, de performance a accomplir, ou tu te sentiras suspendu au fil de Dieu; mais le fil n'est visible que dans certaines conditions qui sont réunit par ce piton » « c'est pour ça qu'on attend le beau temps? Glissa Noria; «  non c'est pour que ton corps réagisse a l'abandon et que le cerro torre résonne en toi comme un gong de pierre, qu'il prolonge tes bras, tes muscles, ta cervelle introduise ta peau sous la croûte terrestre et te nourrisse de lave, pour que ton coeur vibre d'une nouvelle intonation en étant irriguait d'un sang aussi fort qu'un volcan en éruption; le fil n'est visible que s'il pend, il prend alors tout son sens; en étant exposé au déchirement le plus effroyable, ton âme va non pas s'évanouir mais s'effrayer, se frayer un sur chemin dans le vertige de sa distance démesurée et incomprise, et le fitzroy est comme la pierre qui t'écrase tant que tu ne l'a pas vaincu, tant que tu ne l'as pas escalader et sentie son magma couler dans tes veines; c'est la peur que tu vas devoir affronter, ta propre peur de toi-même, et sa disparition dans ton propre renoncement qui t'ouvre la main,  une main acquise a une nouvelle force, capable de soulever la pierre; tu connaitra la vrai renoncement, celui qui évide tout ton être et eteind le sentiement de la peur en te gardant vivant; tu connaitras une nouvelle concentration de force qui fera du cerro torre le prolongement d'un de tes doigts planté directement au centre de l'univers et alors tu auras une nouvelle impression de ta propre grandeur, de la sublimité de ta nature humaine; paix et beauté d'une dimension incalculable qui se décomposent en toi n'importe ou ailleurs sur terre » « comme un faisceau lumineux qui éclate en milles rayons et se reconcentre en un seul depuis cette pluralité? » « oui si tu veux, aucune métaphore n'est injuste si elle reste parabolique, si son miracle renais en nous comme le tout tout premier sentiment d'être réellement plus fort que la mort réellement avilie par la civilisation des réducteurs de têtes et de désir; tu verras, je peux pas t'expliquer et il ne s'agit pas d'expliquer, mais de vivre , de commencer par le commencement, d'éprouver ton existence quand les mots vie et mort sont jeté dans le vide essentiel »; Noria et Édouard passèrent beaucoup de temps a discuter ainsi, pendant ces quelques jours qui précédèrent l'ascension; enfin la tempête s'apaisa; les sacs étaient prêts.

Les commentaires sont fermés.