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20/10/2014

La Saisie. (comedie en un acte)

La scène est étrange. C'est un intérieur d'appartement modeste ou tout est en double comme plongé au fond d'une myopie immémoriale ; le double de la table et de ses chaise se lie de droite a gauche avec ou sans sa nappe et les couverts ; la fenêtre ouverte sur le jour jouxte la même fenêtre fermée par de lourds rideaux ; la lampe basse allumée éclaire la même lampe mitée et hors d'usage, sans age presque abstraite, réduite a son propre schéma poussiéreux ; l'homme au centre, est abattu assis sur une chaise le corps plié en deux et la tête entre les mains. Il vient d'apprendre que ses biens venaient d’être saisit. Il n'a plus que quelques heures pour empaqueter ses dernières affaires personnelles qui tiendront toutes dans un sac plastique de supermarché.

Entre deux émissaires vêtus de redingotes d'un noir intemporel ; ils apportent une lettre annonçant la naissance d'un enfant nommé légataire universel de la saisie judiciaire des biens au terme d'un procès que l'homme a peine a comprendre.

 

  • Je vous ai déjà vu vous … bon sang votre visage me semble tellement familier … ha je sais ! Lycée Marcel Proust a Honfleur dans les années soixante dix …

  • non

  • ha bon sang c'est pas possible, c'est même franchement impossible que je n'arrive pas a me souvenir de ce regard, a mettre un nom sur vos yeux … (il se tort les cheveux entre les mains, et après un effort qui semble surhumain ; il abandonne) non je ne me souviens pas … de quelle faute parlez vous ? Que me reproche t-on au juste ?

  • Rien que de très ordinaire Monsieur Schein, une dette de famille …

  • ha c'est cela ! … j'y suis maintenant, avenir et passé se constellent dans vos yeux étincelant … vous êtes des parents éloignés dont j'ai oublié le nom … nous sommes cousins peut-être ?

  • nous sommes tous plus au moins parents dit l'autre émissaire...

Les deux émissaires sont de part et d'autre de l'homme ; celui auquel il tourne le dos exige qu'il se retourne quand l'autre lui parle de front en insistant pour qu'il le voit en face au même instant.

 

  • non mais putain ! mettez vous d'accord …

  • (le premier émissaire s'adresse a l'autre) distorsion quantique, entendement famélique, étonnant qu'il ait put survivre dans un tel néant...

  • ...j'ai faim … (il se lève, ouvre le tiroir du second buffet, en retire deux albums photo identique, range le plus récent et ne conserve que le plus décrépit qu'il pose sur la table et feuillette comme un journal intime)

  • quelques étincelles de poussière ne vous sauverons pas de l'implosion monsieur Schein...

  • putain mais allez vous faire foutre avec vos recommandation a la con … et puis d'abord qu'est ce que vous faites ici chez moi ?

  • (les deux émissaire d'une même voix). Nous venons pour la Saisie.

  • La saisie de quoi ?

  • De tous vos biens meubles et immeubles.

  • Et pour quel motif je vous pris ? Car il vous faudra me passer sur le corps avant de m'enlever quoique se soit de légitimement acquis… vous m'entendez …

  • nous vous écoutons …

  • Et moi je vous ai assez vu ( il se lève commence a pousser rudement le premier émissaire vers la porte mais il s'esquive comme un joueur de basket et schein s'effondre sur le plancher propulsé par son propre élan)

 

La lumière s’éclipse au même moment ; schein n'est plus qu'une apparence spectrale d'un bleu fluo qui flotte et s'enfonce dans sa propre colère comme une étincelle incapable de mettre de l'intelligence sur la lumière qu'elle projette. L'absence de lumière n'est pas la nuit, mais la soie du noir des redingotes des émissaires démultipliés a l'infini ; un grand fracas de tissus déchiré foudroie la scène, la poursuite claque l'ampoule explose et tombe a terre avec la dernière lueur du bleue fluorescent en une gerbe d’étincelle qui en touchant le sol forme un cercle de braise. Dans le noir la voix devenue foule des émissaires s’élève comme une mise en garde.

 

  • voici le premier cercle d'ombre
  • (schein paniqué) le premier quoi ?

  • La dernière trace de ta folie

  • mais putain de quoi vous parlez ? !! je ne comprends rien a vos histoires …

  • (une femme du même age que schein sort de la nuit, apparaît comme un spectre) c'est précisément ce qu'on te reproche mon cher atome d'amour !...

  • Elise !?? … Élise c'est toi ?!! … comment est-ce possible ?! … l'accident! … ton crane défoncé a travers le pare brise! …

  • Juste une réification de nos engueulades mon feu follet … une colère qu'on t'as fait toucher un peu plus sûrement du bout des doigts a travers le don impalpable de l'histoire… la lampe mon chérie ... ça au moins tu t'en souviens ... elle manquait au guéridon, comme une poussière abstraite que notre amour allez cueillir en chair au fond des abimes ou tu n'as pas su m'aimer ... et l'accident ... le pare brise maculé de mon sang remontant des propriétés abstraite de ton entendement dénaturé comme la tache aveugle de sang qu'aucun océan ne pouvait plus laver ...

La lumière revient ; même dispositif scénique dédoublé ; même enchâssement de schein entre les deux émissaires ; schein est complètement affolé, pétrit de peur panique, figé d'effroi.

 

  • (les émissaires) Comme c'est ballots, nous ne nous sommes pas présentés … (en même temps chaque émissaire désignant l'autre ) ...désir repentir.

  • Elise! (schein revient a lui) Elise! ou es-t-elle? quel prodige ... de quel sorcellerie m'avez vous envouté sombre rats perclus dans les coins du neant ... pourquoi ce tourment, pourquoi m'infliger a nouveau cette torture ? ...
  • parce que le travail n'a pas été bien fait.
  • ... la lampe je m'en souviens Élise ... tes longues heures a lire a la faible lueur de fenêtre ... tes gestes plus que ton corps me sont restés vivant a l’intérieur, qui semblaient dénoyauter en permanence le timbre de ta voix ou l'amour se signifiait, manifestait sa présence ... ne réfléchit pas me disais-tu ... ô comme je regrette maintenant ...
  • (les émissaires) Désir, scalpel s'il vous plait ... Repentir, pince et tenaille je vous prie ... 

Les deux émissaires se rapproche de schein affalé sur sa chaise et lui ouvre le crane comme un horrible cactus dont ils retire le papier d'emballage de la lampe de schein avait offerte a Élise. Puis ils suturent. Sortent de leur sacoche de cuir d’étranges instruments qu'ils branchent sur schein comme pour prendre certaines mesures de voltage et autres repères amperiques.

- l'adn est a nouveau immaculée, la transparence peut descendre et remonter la lumière est redevenue invisible....

Désir et repentir disparaissent. La scène se transforme, se contracte comme un élastique qui revient a une position normale après étirement. Le dédoublement cesse. L’intérieur est nouveau et unique mais semblable a celui qu'on avait deviné a travers le flou.

 

                                 Fin

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