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04/04/2015

Le retour d’Iphigénie de Yannis Ritsos

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Photo: Michael Ackerman

Minuit passé. Le printemps. Une grande pièce écrasée sous le nombre de vieux meuble. Une grande lampe a pétrole suspendue, en cuivre doré, éclaire avec des ombres, la table ronde du milieu, couverte d'un velours pourpre décoloré, ou se trouve un vase de bronze ciselé, sans fleur, pas au centre mais un peu a l'écart, sur le coté prés d'un verre d'eau. Le frère et la sœur sont assis l'un presque en face de l'autre, dans des fauteuils bas avec la table entre eux. Ils ne disent rien, comme s'ils attendaient quelque chose ou étaient a la veille d'une séparation. On entend rien a l'intérieur ni a l’extérieur de la maison, pas un chuchotement nocturne bien que l'une des fenêtres soit restée ouverte. Les serviteurs, ceux qui sont restés en vie, ont vieilli, sont davantage enveloppés d'ombres et de mystère et doivent évidemment dormir. Sur une chaise une bûche brûlée qui fait penser a un torse de femme sans bras et sans jambe. L’atmosphère est pesante comme si était venue l'heure du châtiment sans doute a cause du sentiment qu'on a du sommeil chassé sans raison. Avec en même temps la vague impression que vient de s'achever quelque chose qui devait l’être.[...] Un son creux étranger circulent dans les casques d'or […] je touche les galet d'un autre rivage ou les genoux calme du vent, un vent qui n'a jamais été aussi calme, et cela n'est pas du tout désagréable car en plus de la sensation de l'éloignement ou de l’anéantissement, il reste quelque chose de la liberté de l'infini et de l'inexistant, quelque chose de cette molle tranquillité sur laquelle le couteau ne peut avoir prise, ni la blessure se former, sur laquelle rien ne peut trouver appuie […] et dans cet anéantissement justement, nous ressentons, a l'heure ou la nuit tombe, ce secret plaisir d'un mutuel respect, entre nous, qui donc nous, et qui ? Une conscience sereine, de l'ignorance restée totale, une reconnaissance muette, une impuissance générale enfin acceptée. Mais alors pourquoi cette colère envers nous même qui refusons d'admettre l'inconcevable […] peut-être les arbres sentent ils mieux les choses ? […] C'est beau d'apprendre ainsi peu a peu la nécessité de la perte, de la perte légitime et définitive, et l'autre loi celle du retour, plus profonde la loi de la non perte, les maisons n'ont pas de murs elles tiennent debout dans l'air et sont d'air pur, elles ne sont même pas en verre comme disait parfois notre père pendant sa maladie. Sans même entrer dans les maisons on peut voir les gens transporter des objets sans poids d'une chambre a l'autre, une boite un bouquet de fleurs, un grand tableau, une couverture de laine repliée sur les... bras ou les bottes du veilleur de nuit, une brosse, le balais, un flacon cacheté, tout cela léger, tout cela transparent en dedans comme en dehors, dans les contours comme dans le contenu, on voit les bulles dans le verre, on voit un cheveux très fin sous la langue de la femme soucieuse on voit les morts couchés dans le même grand lit de fer que les jeunes mariés qui eux ne les voit pas. Un peu d'air tiède reste prisonnier dans le pardessus vide suspendu au porte manteau de l'entrée. Alors dis-moi, pourquoi tout cela, qu’était ce, qu'est-ce donc, des meurtres des expéditions militaires, des représailles, des navires coulés,des cités ruinées et au-dessus des ruines, une très haute colonnes de marbre. Tu as remarqué cette photographie dans la chambre de notre père, sur la colonne un aveugle se tient debout, avec une lyre, comme pour souligner d’être la debout, sans rien voir, l'absence de toute signification. Quand a nous nous voici revenu a Argos sur cette terre rouge et nous avons posé le pieds la première fois pour nous mettre en route, ne retrouvant plus maintenant ni la trace de notre pieds ni la trace prétendue des sandales mouillées de notre mère sur le perron, quand elle est sortie de la salle de bain. Nous sommes ici vainqueurs prétendus, vaincus, c'est a dire, qui avons mené a son terme un grand dessein que nous n'avons pas nous même conçu....

http://www.lesfoirades.org/audio-vision-de-textes-poetiques/

 

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