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20/01/2014

sans titre 3

Y a de tout en prison, c'est un monde en soi le « trou » dont la particularité relève presque de la mécanique quantique tant la définition des êtres qui le peuple reste toujours floue quoique l'on fasse pour en cerner les contours, et tellement contradictoire qu'un esprit non prévenu aura toujours l'impression d'avoir affaire avec l'entourloupe retorse du mal en personne, son scandale, a moins qu'il ne suppose que la contradiction soit le mouvement propre au devenir des êtres dans leur incompréhensible parousie et n'apprenne a les aimer malgré lui; au « trou » on est au bout de la négation, au bout du bout ou en principe tout doit recommencer sur de nouvelles bases ou s'enfoncer un peu plus dans l'épaisseur incommensurable du désespoir aussi lumineux qu'un jaune d'oeuf plongé dans sa constellation d'albumine; Tom n'avait plus aucun a priori sur l'incarcération; elle lui paraissait aussi nécessaire qu'improbable quand a ses résultats escomptés ; il avait constater tous les cas de figures de l'alternative a l'exception de cette mue miraculeuse ou un homme devient lui-même en devenant un autre ; quoique tout ceux qui étaient sous les verrous ressentait selon lui, l'instant essentiel de cette transformation: l'étouffement et l'asphyxie nécessaire a la parousie monacale de l'être-vrai; c'est pour cela que le plus souvent la prison ne faisait qu'interrompre un instant la carrière des cadavres qu'on échangeaient contre d'autres cadavres; le corps des suicidés contre l'enveloppe des zombies; tant jamais n'advenait dans ces conditions la mue du langage ou la projection du sujet pouvait renaître des limbes du non espace temps, de l'écrasement du désespoir; tant aussi, les plus endurcis, étaient devenu insensible au désespoir qu'ils rependaient partout autour d'eux sans s'en être véritablement affranchi; aussi le matin, lorsqu'une pale lumière tombait de la verrière sur la coursive, Tom, pleinement conscient du sens symbolique de son acte, savait qu'en ouvrant les portes des cellules, il agissait comme une sage femme expulsant des limbes de la liberté les détenus qu'il présupposait avoir passé la nuit dans un face a face avec l'absolu ou l'ame devait se nier et renaître dépouillée de sa langue, de sa fange et revenir au monde avec une autre oreille pour colliger le dire d'une autre langue encore inouïe, ou l'accusation qui sauve n'est plus scandaleuse, refoulée mais accepté, par les êtres se découvrant déchus, morts et ressuscités; c'était toute cette poésie qui était secrètement contenu dans l'intuition et la certitude que Tom avait de l'utilité de sa fonction; bien sur, il y avait la violence, l'insalubrité, la promiscuité permanente de la folie et l'injustice comme partout, bien sur il y avait la nécessité de la réparation du coupable pour renouer avec la société, mais toutes ses raisons ne faisaient du « trou » qu'un lieu chargé de négativité; or Tom voulait y voir malgré tout, et aussi paradoxale que cela paraisse, une chance; une chance pour l'esprit faux de se quitter, une chance d'exercicer, qu'au fond tout homme libre, aurait du connaître selon lui, même sans être reconnu coupable par la loi, et ne serait ce qu'a titre initiatique;  bien sur il ne disait rien de ses convictions a personne parce qu'elles n'étaient pas soutenable collectivement; de même qu'il n'avait jamais osé dire a sa cousine,Noria qu'il avait fait embaucher dans une autre prison, que le cancer de son oncle en un sens avait été une chance pour lui; une chance comme peut l'être une très grande souffrance ou un très grand malheur qui vous chasse de la communauté des heureux c'est a dire des médiocres et vous ouvre au basculement dans l'absolu; une chance paradoxale qui lorsqu'elle ne frappe pas un homme , en fait certainement non pas le plus heureux, mais le plus condamné a ignorer et a passer a coté de tout un pan caché de l'existence, et de cette expérience qui consiste a renaître a la vie après la plus radicale des négations; une chance beaucoup moins évidente que le gros lot a la loterie, mais qui contraignait l'âme a brûler ses graisses et littéralement a s'enrichir d'un retrait du monde, et de découvrir la vie sous un autre angle, depuis l'ailleurs ou seul l'accord absolu avec soi-même survit a la folie de l'enfermement dans l'exclusion et l'abîme de l'indifférence des hommes face a notre néant insignifiant et vrai; une chance aussi, bien sur pour l'esprit démoniaque, pour la plus grande tentation de l'insensibilité spirituelle, de prendre des forces ou de les perdre dans le renoncement absolu a soi; bien sur Tom n'idéalisait pas les détenus, mais il leur reconnaissait un certain courage face a l'expérience mortelle d'une négation poussée beaucoup plus loin qu'aucune situation sociale ne pouvait le faire; c'est Joëlle l'intervenante en art plastique qui lui avait peu a peu au court des ans, expliqué tout ça; Joëlle, petit bout de femme incroyablement énergique que les détenus finissaient par adorer des qu'ils reconnaissaient en elle une folie plus grande que la leur et acquerraient les pré requit nécessaire a toute culture: l'abandon des pensées utilitaires; Joëlle que Tom avait longtemps pris pour une réac intransigeante et sans coeur alors qu'elle fonctionnait selon une logique beaucoup plus transcendante  pour que Tom qui avait trop peu de culture puisse la comprendre spontanément; mais Tom ne se leurrait pas non plus sur ces détenus, il n'en faisait pas des icônes; ou alors en un sens contraire a la tradition, pas des icônes de l'assomption, mais des icônes de la chute hors des lois hors des règles, icône dur comme de l'acier plongeant sous la ligne de flottaison, hors du langage et donc aussi, hors de toute atteinte, icône fondu en une carapace plus épaisse qu'aucune profondeur psychologique, souvent perverse et inaccessible, réfugié dans le monde fangeux de la plus perverse et retorse porosité de l'esprit qui pesait tant a Tom, l'oppressait chaque fois qu'il pénétrait dans l'enceinte de ce monde sans dimension hors espace temps, ou il quittait l'ordre, la clarté et la loi, qu'il aimait dans son monde carré et bien définit; et comme toujours depuis des années, Tom éprouva ce sentiment de malaise familier qui lui serrait le ventre chaque fois qu'il pénétrait dans l'enceinte de la prison, comme si l'esprit même du mal s'y était installé a demeure et irradiait sans limite, sa pesanteur sourde et poisseuse; il n'avait jamais réussit totalement a se défaire de se sentiment d'oppression angoissante qui l'étouffait jusqu'à ce que ces activités professionnelles prennent le pas sur son attention et lui fassent oublier le poids de son joug qu'il retrouvait immuablement chaque matin.

Par l'oeil de boeuf il n'avait qu'une vision floue de l'humanité comprimée au fond de son chaos, et la cellule se dilatait et reprenait des proportions normales lorsqu'il ouvrait les portes; les détenus semblaient alors sortir non pas de leur cellules, mais d'un autre espace temps, d'un autre monde ou ils avaient passé la nuit comme des génies au fond de leur bouteille; bien sur c'était pas la lampe merveilleuse mais plutôt un recoin impénétrable que seul les condamnés connaissent, qu'ils soient coupable ou innocent; pris dans la lentille de l'oeil de boeuf, les cellules n'avaient ni espace ni temps, et le corps incarcéré des détenus y était en suspension dans un nuage de verre ou Tom imaginait que se jouait le face a face avec l'esprit; et quand ces spectres surgissaient de leur coupe de verre, quand ils reprenaient forme et volume en franchissant la lourde porte blindée, Tom ne pouvait effacer de son esprit l'image réfractée de la lentille, et il conservait d'eux ainsi l'idée d'une humanité bizarrement agencée, d'une intériorité sans frontière définie ; ces images de corps sans dimension reprenait alors leur volume, Tom savait ce qu'il leur offrait en terme de liberté quand il déverrouillait les cellules pour l'unique heure réglementaire de promenade de la journée; en s'avançant sur la coursive certains détenus lui serraient une main, échangeaient un mot gentil rien de plus; il menaça fermement un détenu qui ne voulait pas éteindre sa clope avant de descendre.

La prison est bâtie comme mur quantique ou le cerveau devient poreux en le touchant; c'est un concentré d'humanité saisit dans sa nature incompréhensible et sauvage confiné dans des bâtiments en forme d'étoile ou de flocon de neige a barreau; la lumière pourtant y manque souvent, presque autant que l'air en été; un lieu ou il vaut mieux tout oublier de ce qu'on croit savoir de la nature humaine, un non-lieu ou ombre et lumière se mélangent sans qu'aucune frontière n'établisse le partage cohérent du flux vital avec l'extériorité, parce qu'aucune transaction avec un point d'appui hors de soi n'y est plus possible; un lieu ou la même main qui vous assure de son amitié peut l'instant suivant vous plonger un tournevis dans le coeur; un lieu ou contrairement aux apparences intangibles des verrous, le réel n'est plus qu'un domaine de transaction piégée, un Austerlitz spirituel permanent; imaginez un pays ou les frontière bougeraient a chaque instant, sans arrêt, un pays dont la terre serait aussi meuble qu'un sable mouvant et ou tout événement réel serait hors langage, une singularité toujours hors la loi et vous aurez une idée du chaos que contient chaque détenu incarcéré; Tom après avoir serrer la main a Paco et Djamel de la quarante sept, et après avoir compter les quatre vint trois détenus sous sa responsabilité, laissa les prisonniers descendre dans la cours pour la promenade du matin; il attendit que les cellules soient vide avant de les fouiller; tous les détenus sont différent et pourtant ils ont tous un point commun: leur vie brisée dont l'enveloppe s'affiche en vestiges sur les murs lépreux comme une cible ratée ; deux lits superposés par cellules de neuf mètre carré, un lavabo, un chiot séparé par un rideau de douche, deux étagères pleine a craquer, et un patchwork de photos sur lesquelles Tom aimé particulièrement s'attarder; toute une vie résumée en cinq ou six photos entre les poster de cul et les rares reproductions de peintres ou d'icônes modernes; une constellation de souvenir au coeur d'une étoile éclatée en perdition dans le trou noir des esprit faux; voilà ou la plupart finiraient par perdre toute saveur de l'unité, par être définitivement rongé par la duplicité du sens jusqu'au nihilisme conscient qui ici était de règle; Tom inspecta les matelas, les montants de lits, les barreaux...

 

A dix heure comme convenu le nouveau arriva; c'était un homme d'une cinquantaine d'années, pas très grand, trapu comme un paysan, les cheveux grisonnant et bouclés cachés des yeux noisette d'une intelligence presque animale; Tom le mis au quinze comme convenu sans rien lui dire; il agissait toujours ainsi avec les nouveau pour les terroriser un peu et se faire passer pour un dur; c'était plus facile ensuite; en outre c'était déjà l'heure de la fin de la promenade.

 

 

Les détenus rentrèrent a nouveau dans leur cellules; Tom les recompta, et verrouilla les portes et redescendit la coursive pour prendre son repas; au réfectoire Joëlle qui avait le verbe haut était en pleine discussion avec Daniel le médecin psy de la prison : « ...c'est la crise...ok mais la crise de quoi? ...pas du système économique...pas de la fiance...c'est la crise du désir , la crise des consciences qui se sentent oppressées dans une forme trop étroite....c'est comme si tu voulais faire jouer La walkyrie par un orchestre de chambre...ça rentre pas, ça dépasse, ça déborde de partout...comme si l'amour universel pouvait tenir dans les structures économiques et sociales de l'apartheid...je ne juge personne Daniel, disait Joëlle en raclant sa purée, mais je sais que tout ce périple de notre époque autour de la phénoménologie, en passant par le marxisme, le freudisme, la linguistique, le structuralisme et la psychanalyse, est un émiettement d'une intuition fondamentalement religieuse qu'aucun de ses savoirs ne permet de retrouver; encore une fois je ne juge pas, mais je me demande, et je pense que chacun ici est en droit de se demander, a quoi bon toute cette culture si elle exsangue de l'essentiel, d'une conception de l'existence sans laquelle au fond nous sommes tous au « trou »? ». Daniel écoutait sans rien dire, assit en face de Joëlle les yeux plantés dans son plateau repas...  « en un mot si tu veux, pour moi ce n'est pas la psychanalyse qui explique le religieux, mais l'inverse...tu as vu Mourrab ce matin...et bien sa déficience psychologique pourrait n'être qu'un effroi complètement lucide contre lequel ta séance d'analyse ne peut rien, car au fond ce qu'il cherche en violant toute ces filles c'est une loi, une autorité absolue qui est contenu dans son effroi, c'est le réel qu'il est impossible de dire autrement que dans une langue révélée, dont s'approche approximativement, aveuglement le meurtrier dans sa logique de sexe et de mort qui la nie, et cela non parce que pour exister il aurait besoin d'être accusé, mais besoin pour être compris d'un autre autre que toi, de traduire le paradoxe de l'absolu qui l'habite dans la langue du meurtre ou se signifie l'impossibilité du langage... »; « non tu as tort, Joëlle répliquait Daniel piqué au vif...l'erreur c'est de croire que la grandeur de ce que tu appel le désir serait représentable....et tu peux retourner la question dans le sens que tu veux, les structures sociales athée valent mieux qu'une religiosité sécularisée toujours morte parce que formellement dévitalisée du désir... » « ...ce n'est pas ce que je dis...bien sur que la religion n'a absolument rien a voir avec la politique... et ce n'est pas la séparation de l'Église et de l'État que je vous reproche a vous autres analystes..c'est cette manière idiote de vouloir faire du religieux sans religieux, de vouloir créer une langue...créer une langue t'imagines! Alors que précisément l'homme est l'être qui procède d'une langue qui lui est impossible d'inventer comme au fond te l'expose le cas Mourrab...mais tu n'as pas d'oreille pour entendre sa volonté de te dire qu'il est muet pour dire l'absolu autrement que par le crime...vous avez voulu substituer au religieux une constellation de sciences opérantes, philosophique, existentiale, faite de complexe oedipien de structuralisme et de matérialisme dialectique; philosophiquement parlant vous avez déconstruit la langue pour la réinventer, mais vous n'avez rien réinventé du tout, vous vous êtes rendus sourd aux signes en vous prenant pour dieu, et vous êtes sur le point de bousiller jusqu'à l'essence même du poétique, a savoir précisément, cette intuition fondamentale qu'une langue ou le sujet se dit et se comprend comme dans un monde plein de sens ça ne s'invente pas.......et au fond la crise actuelle c'est votre oeuvre... » « ...là Joëlle tu pousses trop loin, s'exclama Daniel en laissant tomber ses couvert sur son plateau; « …. comme cette croissance hyperbolique de l'angoisse ou vous restez pour les paumé de la civilisation que vous avez créer les sauveurs et les maîtres du monde; c'est votre résultat le plus propre, car a vouloir créer une langue non religieuse qui ait le pouvoir transcendant de clarifier la structuration du sujet en projet d'appropriation de lui-même, vous avez créé un monstre de communication mass média désaxé et teinté de soubassement théorique qui masquent l'essentiel, a savoir qu'il n'y a plus de communication entre les hommes, qu'il n'y a que des défis mis en concurrences.....vous avez aggraver le désespoir... la crise des identités, la crise de toutes identités quel soit politique morale ou anthropologique est une conséquence directe de la fission du désir dans la multiplication prométhéenne de vos langues devenues folles.... » «  non Joëlle, la crise est trop profonde pour que la religion puisse sauver l'humanité...et puis tu es injuste quand tu occultes tous les heureux résultats de la science et des progrès incontestables qu'elle octroie a l'humanité... » «  ….progrès du surface qui ne sont tel que parce qu'il cachent un peu l'abîme de l'unité paradoxale des êtres...en rédimant la réalité paradoxale du plus intime, celle que j'éprouve moi quand je peins , en ruinant toute langue pour le douteux bénéfice de vos savoirs, vous avez évacuer le poème de la transaction, le dire du devenir incompréhensible, vous avez ouvert et cautionner scientifiquement l'essor du matérialisme le plus désespérant...mais on peut pas réintroduire le soucis de l'intime sans laisser désormais ce monde tomber en miettes...ne vous souciez pas de ce dont votre corps sera vêtu...moi je pense qu'on ne peu pas percer la croûte de surdité matérialiste autrement qu'en inquiétant a nouveau a propos du salut...c'est a dire contrairement a ce que tu dis en réintroduisant de la langue religieuse dans le discours réfléchit et intérieur du désir...et cela n'a rien de politique....ou plutôt je sais que ton discours pseudo humaniste sur la nécessité de la refondation de l'éthique...qui somme toute n'est qu'une variante de ta volonté d'inventer la langue de l'un, aura toujours les faveurs de la foule parce qu'au fond ton désir est d'en devenir maître, d'en être reconnu, parce qu'au fond c'est ton désir qui est mort, qui manque d'élan pour transcender l'humaine faille...parce que je sais ou plutôt je sens et je vois clairement en toi l'absence de désir qui fait de toi un psychanalyste et un baragouineur de première dont tous le souci se résume a faire ses tour de passe passe devant la foule pour la subjuguer, te faire remettre son pouvoir, et au fond c'est ça que je vomi, ça qui me fait pitié, ça que je considère comme l'origine et la substance même du mal absolu aussi présent en toi qu'en Mourrab... ton manque de désir, ton secret respect du nombre, ton fétichisme du groupe qui t'empêche de vouloir que dans la langue de la vérité, celui qui aime vraiment l'humain est couvert de crachats et d'opprobre par la foule que tu vénères...le psychanalyste n'est pas autre chose que l'autre face immonde de la politique de la plus pure démagogie » « tu ne peux pas dire Joëlle, rétorqua Daniel qui se sentait sortir de ses gonds, tu ne peux quand même pas nier les bénéfices de la psychanalyse? » « si je les nie! je les nie en bloc , parce que encore une fois, l'enjeu de tes analyses c'est ton pouvoir et non ton « analysant », parce que tu t'octroie dans un jargon peu accessible a la foule, la puissance même de l'amour qui est de sonder les coeurs et les reins, parce que tu ne fais pas autre chose derrière tes soit disantes analyses que porter un intérêt sur un être qui se dissous par manque d'un regard infiniment attentionné porter sur l'intime noeud de sa contradiction....c'est tout ce qu'est une cure...un regard aimant dont vous vous êtes attribués les privilèges en en privant le commun de l'humanité....» Joëlle avait perdu toute contenance, et, très énervée se leva soudainement en faisant un doigt d'honneur a Daniel qui du tac au tac lui retourna qu'il lui pardonnait. Tom qui avait assisté a la scène pendant qu'il prenait son plateau repas, pris la place de Joëlle en glissant a Daniel : «  faut pas te tourmenter pour ça...elle est comme ça Joëlle...c'est une artiste... »

18/01/2014

sans titre 3

Il fait encore nuit quand Tom manque de s'ébouillanter en versant l'eau sur son café dans la chaussette. Six heure trente c'est dur de reprendre le rythme après une semaine de congé a rien foutre, a rester cloîtré a l'appartement comme une algue en suspension qui récupère un peu de l'usure du boulou; et, le temps que le sablier d'eau saumâtre passe a travers le crible, Tom en profite pour se raser ; ses gestes sont automatiques, mesurés, a peine conscient, mais l'odeur du café qui se repend jusque dans la salle de bain au joints déjà pourrissant, vaut tous les anabolisants; Tom boit son jus sans sucre, mais toujours debout, habillé en casant une bonne trentaine de pas dans le mètre carré qui sépare sa table en formica grisâtre de la fenêtre sans rideau de la cuisine, ou il fume la première blonde de la journée; c'est la en fait qu'elle commence la journée, avec la première expiration du rêve aussi volubile que ce pauvre encens, quand la tête dans le brouillard, ses yeux s'ouvrent sur tout ce qui lui dit qu'il va revivre la même chose qu'hier et la même que demain; c'est là qu'est son présent, son enceinte, sa vie moléculaire de placenta glauque et insoluble de bouffe lyophilisée pour poisson rouge comme il se la représente quelque fois quand il pense a lui, quand il se roule un bédo avant de s'enfoncer dans les arcanes de jeux en ligne imaginaire, et quand il en revient tellement confus et excité qu'il se dit ironiquement que son job est pas franchement épanouissant; « mais bon, pas le choix...faut l'faire, si on veut au moins garder sa dignité et ne pas faire la manche, ou pointer au pôle emploi » ; les souvenir de vacances ne l'encombrent pas comme certaines de ces collègues, non plus que les projets d'avenir, il n'en a pas; c'est pas qu'il s'en fout, c'est qu'il a pas le temps; huit heures de taf par jours suffisent a peine a subvenir aux besoins d'un seul homme, « alors une famille, une femme et des enfants...il s'en sent pas le courage... » c'est un abîme incompréhensible pour lui qu'il respecte comme tel; la radio parle toute seule de gain de productivité, de courbe du chômage et de braquage, d'accident, de tort fait a l'humanité tout entière....mais il est sept heure, il enfile sa veste de cuir noir et orange, prends son casque tatoué d'un puma et descends par l'ascenseur les six étages de son HLM. A chaque station le chiffre de l'étage s'allume et s'éteint, comme s'il s'enfonçait dans le tronc mort de l'arbre de vie qui étrangement dure huit heures chaque jours. Huit heure de sacrifice pur et simple ou il est hors de question de penser a soi, de faire ce qu'on aimerait faire ou être ce qu'on voudrait être; hors de question aussi de remettre en doute l'utilité de son travail dont au demeurant Tom reste profondément convaincu, attaché a cette certitude comme s'il en allait de son propre équilibre mental. Il n'est pas syndiqué pour autant. Mais Tom ne s'attarde plus a ce genre de pensées, ils les connaît par coeur, elles ne le blessent plus comme elles le blessèrent autrefois, pendant de longues années quand après la première euphorie du bonheur, la découverte du premier job, la lente descente aux enfers s'ensuivit aussi interminable que la chute d'un junkie tombé des nues; il a apprit a anesthésier la douleur mais c'est peut être aussi ce qui le chagrine quelque fois, sans aller jusqu'à le regretter il envisage désormais sa vie comme un sevrage après un siècle de shoot quand le paradis tombe en miette entre les mains des anges qui découvrent qu'ils ne sont pas fait pour lui; maintenant les critiques coulent en lui avec une absolu indifférence, comme si les mots étaient trop usés, trop entendus pour fêler son être avachi ou plus simplement comme s'il était devenu sourd; il en a déjà peser toute la nausée et surtout aussi toute la nécessaire et unique conclusion a ses yeux: il doit travailler, gagner sa place au sein de la société ou vie et réalité se combinent et s'affrontent. Les porte de l'ascenseur s'ouvrent sur le parking souterrain ou il a garé sa Suzuki de course noire; en un sens il se dit que s'il se force encore a aller bosser, c'est pas seulement pour payer les traites de sa bécane, mais aussi parce qu'il a atteint une certaine sagesse puisqu'il a pratiquement compris et dépassé ce qu'il assimile aux caprices chez l'enfant, a l'impatience face a l'échec nécessaire du désir, sans pour autant s'avouer qu'une certaine artificialité dans son dépassement de la crise, lui permet maintenant très certainement de vivre, de vivre réellement dans la société, mais sans vivre réellement; et si souvent il aime revenir a cette pensée, ou s'il se glorifie d'avoir survécu a la colère et au désespoir, dont il a vu les conséquences nuisibles chez certains de ses amis, et anciennes connaissances de lycée, il ne s'avoue pas cependant, mais occulte, l'autre pendant nécessaire de sa pensée, a savoir, qu'il vit désormais en état de divorce avec l'idée ou son désir semblait vouloir le guider; secrètement, il n'ose s'avouer sa misère, sa ringardise d'avoir aussi médiocrement renoncé, et de ne survivre au désir qu'en mort-vivant ; aussi il conclu, en enfilant son casque et en démarrant ces milles cinq cents chevaux, qu'il ne conseillerait pas sa sagesse aux enfants. Et automatiquement sa réflexion bien domestiquée démarre, et en revient au bail nécessaire du prêt que lui coûte sa belle mécanique tous les mois, (il faut bien travailler pour une raison) dont il veut bien s'avouer qu'il sent pourtant déjà qu'elle commence a le lasser.

 

Le job de Tom est a l'extérieur de la ville; c'est mieux question circulation; vingt minute de trajet, toujours a contre courant, c'est le moment picaresque de sa journée; a force de faire le même trajet par tous les temps, il a appris plein de choses sur l'aérodynamisme de son corps lancé comme une balle contre un mur d'air; et chaque matin se renouvelle son amusement de ses petites nuances, quand il serre le corps d'acier au plus pres et qu'il croit chevaucher quelque quark sur dimensionné, ou qu'il s'en écarte et jouit de la liquidité des pierres qu'il traverse; il a l'impression de voler, de faire une chose dont il ne se lasserait jamais, s'il pouvait la refaire malgré le formatage de sa vie quotidienne ou aucune formulation de sa réalité n'existe si ce n'est sous la forme caricaturale et tragique des huit heures d'esclavage sans passion; en se garant sur le parking du personnel, il pense a nouveau a s'inscrire a des cours de saut en vol libre ; il pointe avant de boire son deuxième noir de la journée; le premier en tant que chef maton.

 

Le jour se lève enfin quand il referme derrière lui, les grilles de la prison ; les actes de pure routine administrative tout d'abord, avant le face a face avec la violence contrariée; le bonjour rapide a l'équipe de nuit qui instruit les diurnes des événements marquants de la veille; les problèmes sont méticuleusement consignées sur la fiches descriptives prévu a cet effet; fiche qui remontera dans la jungle hiérarchique pour se perdre dans l'écho de la source sans retour, plus insondable et indifférente aux problèmes de vivants que la mort en personne; aussi l'important quand on est livré a soi-meme, c'était de ce se communiquer les informations vitales; une erreur de jugement, un geste de trop, un oubli et c'est l'embrasement assuré de toute la coursive; Tom lit : cellule 67 : bagarre....mais Sophia l'interrompt pour traduire en terme plus réaliste et moins administratifs …. « C'est Mourrab qui a pété les plombs...deux heures a hurler comme une hyène prostrée dans sa pisse et puis agité comme un damné sur des charbons ardents dès qu'on l'approchait....un vrai démon, wallah! » Sophia avait toujours des images un peu pittoresque pour décrire une situation difficile a cerner ; « on a du appeler Daniel en urgence, deux doses de morphine pour le calmer; on l'a changer de cellule...on le laisse au 15 pour la journée, Daniel doit repasser...bon voilà c'est tout...je file je suis crevée, bye...; Sophia Denis et Rushdi se quittèrent devant les vestiaires sans même se serrer la main; mais Sophia qui était chef d'équipe ressortit aussitôt: «  Ah putain j'allais oublier Tom! Dix heure ce matin un nouveau : Nanj Kerfu... Homicide involontaire et tiens toi bien musicien devenu sourd qui paraît il avait l'oreille absolue...comme Mozart putain, ajouta t-elle en rigolant nerveusement....j'te l'dis parce que Daniel veut le voir aussi… comme ça tu le tiens au frais avec Mourrab au quinze il verra les deux..... » Tom acquiesça, «  la hyène et le musicien, tu crois pas que t'exagères un peu ... » et Sophia disparue dans le vestiaire en gloussant de rire; Antoine remit ses clefs au chef qui les avait remisé dans le tiroir sécurisé de la guérite sous verre anti balle et Tom grimpa a bonne foulée, l'escalier de l'aile nord du bâtiment jusqu'à la coursive 27 ou il commença a déverrouiller les portes blindées en ayant bien pris soin de balancer un grand coup de latte dans la lourde avant d'introduire la clef, pour faire tomber les cafards et surtout, faire en sorte qu'en désentravant toute la coursive, il n'eut aucun détenus dans le dos.

15/01/2014

sans titre 2

C'est seulement au deux tiers du parcours que le monolithe fut brusquement recouvert de brume; un simple nuage absolument inoffensif et flottant dans le ciel bleu comme une pensée solitaire avait suffit pour noyer la visibilité et la limiter a l'extrémité du corps des grimpeurs; le sentiment pathologique contre lequel Noria luttait a chaque traction sur la paroi avait atteint son point culminant; elle se sentait a bout de force, comme pétrifié par un vide qui l'envahissait et emprisonnait toutes son intensité musculaire a l'intérieure, et au-delà d'elle-même; elle regretta la sensation du vide visible qui l'avait soutenu durant toute la montée.

L'oncle qui était perdu en amont dans le brouillard épais, certainement en sécurité a la lisière de la névé qui chapeautait le sommet, sentit par la tension de la corde que Noria se crispait.

Un long moment, pour se détendre, elle se représenta la lèvre de glace comme un objet solide qu'elle aurait put pincer, agripper a pleine main sans rien désirer d'autre, tant ces doigts n'en pouvaient plus de ne tenir que du vide; et quand la brume vint jeter une difficulté nouvelle sur le cours de l'ascension, Noria par tous les moyens lutta contre le désespoir, s'en défendit autant qu'elle put, mais se rendit vite compte qu'elle ne pouvait pas compter sur la certitude défiante de la veille face a la harpie; elle se découvrit nue, pur et simple néant, non-être sans force et sans raison d'exister, sans arme a opposer au siphon de l'angoisse, s'était comme si sa visée existentielle fondamentale s'était rétractée, comme si elle avait été atteinte d'un dégoût extrême pour l'existence et ses projets, et elle sentie que sa route s'achèverait ici; elle finit par se vider de toute sa substance en restant accrochée a la paroi et par se figer dans une posture proche de la raideur cadavérique; en peu de temps la brume la recouvrit d'une pellicule de diamant; elle eut envie de dormir, de tout renvoyer a la nostalgie du rêve, d'en finir avec toute cette folie en lui donnant la consistance d'une irréalité dont son esprit était sans force pour ne pas croire qu'elle était réelle; et en outre son oncle le lui interdisait en tirant par petites secousses saccadées sur la corde; elle eut envie de tout brouiller dans la folie de faire une boule de papier de ce pic et de souffler dessus pour qu'il disparaisse; elle eut envie d'en finir avec son expérience, avec sa vie, sa souffrance, son désir était soufflé comme une bougie par épuisement, et le sentiment de se sentir piégée, et elle était tellement épuisé, tellement au bords de toutes ses limites sensuelles, physique et psychologique qu'elle en aurait bien aussi fini avec la vie même; et maintenant la visibilité qui déclinait encore avec sa volonté de vivre qui s'échappait d'elle comme l'air et la pression d'un pneu crevé, c'était le comble, la mort assurée; a travers la palpitation cardiaque qui résonnait comme le tambour des galères dans ses oreilles, elle entendit son oncle très éloigné lui crier: « change de place!! »

 

Noria gardait les yeux grand ouvert sur la roche qui collait a son visage, comme si elle avait scruté dans son ombre sa propre silhouette d'hier quand elle était a l'abri a l'hôtel, mais ne vit rien venir et pensa qu'elle devenait folle; mais l'idée la troubla et elle ne sentie même pas qu'elle lâchait prise; elle ne savait plus commander a son corps; agripper et lâcher étaient devenus indiscernables pour elle mais pas pour la gravité et son corps bascula du coté opposé a la prise en vacillant comme une porte qui claque et se dégonde; prise de panique elle agita le bras dans le vide pour rétablir l'équilibre, mais une seconde fois elle entendit son oncle lui crier : « renonce! »; immédiatement elle se figea et laissa le peu de force qui lui restait la fuir; la prière Tehuelche lui revint en mémoire, et soudain la pierre fut plus légère que le ciel et son corps plus souple que les flammes des habitants de la terre de feu.

 

Elle parvint a nouveau a s'agripper a la paroi et peu après une main jaillit du brouillard; elle était parvenue a la névé; « Maintenant tu es la vie éternelle, celle qui se déploie au-delà d'elle même en se renonçant dans le temps » ; Édouard hissa sa nièce jusqu'à une niche sous le champignon de glace ou ils bivouaquèrent une dernière fois face au soleil qui semblait ne plus tourner autour de rien d'autre qu'eux.