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24/01/2014

sans titre 4

 

Nanj bu alors toutes les larmes de l'amer désespoir; l'image de son monde se déchira; il quitta sa place d'enseignant et étrangement glissa du monde des apparences vers un autre univers ou le réel n'était plus éparpillé dans les milles scintillements trompeur de la vie surchargée d'exigences contradictoires, qui font la vie aussi praticable que les outils inutiles des surréalistes, mais un univers unifiée, qui brillait du fond de l'abîme, depuis un centre secret invisible et renversé par le pouvoir de la négation; il ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait; et dans les premiers temps de sa mise a l'écart, et bien qu'il n'éprouva aucun ressentiment a l'égard de l'injustice qui lui était faite, il se sentie interloqué, pris de stupeur, figé de désarroi, comme si sa vie soudainement lui était devenue un mystère opaque, une énigme a laquelle il ne comprenait plus rien, sinon qu'il venait de perdre ce qui en faisait le sens; du moins le croyait il, tant que mystifié il ne comprenait pas encore que son désir venait seulement de faire peau neuve, et qu'il ne le reconnaissait pas; car il n'avait au fond toujours suivit le même penchant par lequel il avait obtenu ses diplômes et enseigné pendant plus de vingt ans jusqu'à ce que sa raison de vivre s'effondre dans la forme ou il la croyait réalisable; et ce n'est que peu a peu, très lentement, que la passion qui l'habitait lui fournit l'explication de l'énigme; chassé du monde des hommes, il se retourna vers sa passion qui n'y était plus la bienvenue; bien sur il ne pouvait se dire: « demain, cours a telle heure », et c'est surtout cette absence de mots qui le laissa interloqué; impossible de projeter sa raison d'être, sa passion, impossible de filer la joie a travers la douleur sans ces mots ou elle avait longtemps habité; ce dernier jour, il rentra dépité, morne, affadi, pesant des tonnes et en lieu et place de son petit appartement de célibataire mono maniaque voué a l'enseignement de sa passion, il ne trouva qu'un grand vide, un alphabet muet; l'odeur du café incrusté dans les murs était comme de l'eau rance et croupie qui l'écoeurait; son bureau, ou il avait passé tant de temps a corriger les copies lui paru plus petit qu'une cellule de prison; a peine l'espace pour se retourner, la bibliothèque semblait fondue dans le mur, plongée dans un sommeil de foret primitive, il n'osait même plus faire un pas, ni soulever un livre de peur de déranger un souvenir; les premiers jours furent les plus douloureux, les journaux du matin n'étaient qu'une suite de signes sans voix, le vieux club sous la fenêtre qui avait pris la forme du lecteur n'épousait plus son corps, il errait dans un chaos immense, un océan de vide qu'il n'avait plus de bras pour manipuler; c'est sa voisine de palier qui lui fut d'une aide providentielle, lorsqu'elle s'alarma non seulement de sa triste mine, mais surtout de ne plus entendre jouer le piano; il se rendit compte alors qu'il avait oublier sa chére musique, et que cet oubli devait contribuer a l'insupportable poids de son joug; le soir même il se remit a jouer, mais rien ne sortait; ses bras étaient lourds et son jeu purement mécanique semblait retenir les muses loin de lui et non les enlacer; il se ravisa, décida de déplacer le piano au centre de la pièce, ce qu'il fit non sans mal en tournant autour de l'instrument plusieurs fois; puis essoufflé, désorienté, se remit a jouer mais cette fois en improvisant librement ses réponses de mains a mains, et entre ses doigts, sur l'ivoire noire et blanc de l'échiquier, la musique refila l'arc électrique entre les pôles de son être déchiré; son mouvement redevint virtuose et il soupira de l'infinie tendresse de la musique recollant les morceaux de sa chair mutilée comme celle de Kassim par les voleurs; la musique lui offrit son trésor de compréhension intuitive, et a travers elle il reconnu que sa souffrance parlait de son unique désir; elle en parlait d'ailleurs autrement qu'en terme d'enseignement, avec ces mots qu'il n'avait plus, mais pas encore tout a fait en termes de vocation et de composition; il constata alors que la modification brutale de sa situation historique, n'avait rien changer a son désir, sinon qu'en perdant une existence active dans le monde, il avait plongé plus profond dans la musique, et avait échangé l'émiettement de son désir écartelé dans les apparences du surmenage, contre une cohérence secrète qui le guidait et qui le comprenait, ou plutôt le rendait compréhensible, l'unifiait en une si totale cohérence qu'il se sentie bientôt suffisamment d'énergie et de ressource pour se remettre enfin a vouloir ce qu'il avait toujours désirer: composer; il joua toute la nuit sans sentir le temps passer, en repensant a tout ce qui avait fait et faisait encore la cohérence et la raison essentielle de son existence, sa passion pour la musique, qui prise absolument n'avait aucune place dans le monde des hommes qui n'exigent que l'apparat de la cohérence, les résultats frauduleux du relatif masquant la plus implacablement froide des raisons paradoxalement évidée de sa passion et de toute pensée; la différence n'avait rien changer, sinon qu'il s'envisageait artiste maintenant, par la force des choses, et aussi qu'il envisageait l'art justement comme un moment ou l'existant se rend compréhensible, devient conscient d'être un tout cohérent qui loin de tomber dans le néant en étant extirpée du groupe, ou jamais n'advient ce genre de chose, s'éprouve en rapport a quelque chose d'autre qui le comprend parfaitement et dont témoigne l'oeuvre, sans pour autant que l'oeuvre invente ce par quoi il se sent comprit, puisque bien au contraire, comme cette musique d'une infinie tendresse qui le calmait, c'est elle qui crée l'artiste; et il rapprocha cette idée de l'oeuvre de celle de la passion qui est aveugle et se concentre sur sa propre intelligence éternelle et impossible d'un être donné a lui-même dans des conditions contingentes et multiples qu'elle réunit et transcende en une totalité dont l'autre est le secret omniscient; ainsi de Schubert, de Stravinsky, de Beethoven, composer c'est écrire secrètement pour une femme, ce n'est pas jouer avec la matière sonore, illustrer un thème arbitraire, une fable ou un mythe, ce n'est pas non plus dévoiler le monde dans son apparaître vrai, ou se détourner du savoir pour voir l'Inconnu nu, c'est tout cela a la fois et plus encore produire de la distorsion ou l'amour recrée du sens, c'est mettre de la matière spécifique entre les êtres, tisser de l'humanité en communicant de l'existence de manière a ce que l'acte le plus profond de la réflexion, le plus idéal et la plus abstrait puisse oeuvrer dans un chaos et se révéler par l'effondrement du chaos, et de toute matière opaque a la certitude éternelle qui ne serait pas une scène de l'amour aveugle; toute oeuvre n'est que le témoignage de la compréhension qu'un être a de son être; mais la conscience suppose un rapport indirecte dont la matière insignifiante peut prendre une forme paradoxale qui dévoile en s'effaçant; ainsi pour Nanj l'énigme de son exclusion était une chance providentielle qui lui révéla la nature contradictoire de sa passion et de celle des hommes a courte vue bien plus obsédés par la différence du bien et du mal et le péché capital de son savoir, que par l'unité d'un cercle ou devenir une énigme a soi-même c'est se comprendre en dieu, cercle paradoxal que les hommes, de père en fils ne voient et ne soupçonne même pas, mais qui est, dit-on, révélé; et si l'existence de Nanj se transforma ainsi aussi radicalement, au point de faire sens avec le non sens de son existence de professeur abrégé, c'est que la passion de la musique survécu a l'effondrement d'une forme imparfaite qui recycla tout le contenue historique de sa vie, en celle de cet être neuf de compositeur sédentaire, qui au contraire de toute autre oeuvre humaine, était une production divine capable de lui insuffler a nouveau la vie; et cette passion qui maintenant lui tombait dessus avec toute ces conséquences réelles, elle venait de vidait son appartement de tous les anciens symbole de sa vie d'avant, et lui ouvrait l'espace indéfinie de l'avenir de son être en composition; le monde qui l'instant d'avant était plongé dans l'angoisse et l'indétermination, refaisait sens autour de tout ce qu'il était en lui d'être; il en avait l'incommunicable conviction; déprécié des hommes, parce qu'il s'était abandonné complètement a sa passion, celle-ci plus que jamais signifiait enfin en lui le sens d'une intention pour laquelle, toute sa vie avait été soudainement chamboulé, moins par une réorientation, que par une remise en forme de toute ses activités et concentration de de ses forces a l'usage de la création artistique et de la composition qu'il avait toujours secrètement désiré; il lui sembla qu'il avait été a nouveau frappé par la foudre et que son isolement était a la fois la conséquence de son exclusion, et l'assomption de sa propre identité dans la passion; son appartement s'éclaira brusquement autrement, il lui semblait que la réflexion la plus impalpable au fond de sa conscience prenait corps dans la pièce, et que le moindre objet redevenait signifiant; mais chose étrange la passion ne semblait plus habiter en lui, mais venir de l'extérieur de son corps, comme si le tapis persan sous ses pieds, les rideaux aux fenêtres et les chaises en paille tressée étaient soudainement devenues l'histoire de sa passion invisible, car la passion fait feu de tout bois comme la création; ou encore, comme si son appartement avait été plongé au fond d'un lac ou les choses n'étaient plus rien en elle même mais semblaient dissolues dans une transparente cohésion d'un secret ou rien ne changeait pourtant de place; il vécu ainsi quelque temps, presque hagard, abasourdit non par la méchanceté des hommes, mais par la beauté et la bonté qui se révélaient derrière leur monde d'usurpation, groggy comme si l'explication de la vie lui était tombée dessus, pas a la manière d'une science, mais d'un choc, d'une lucidité d'énigme, d'un prisme sur le coeur dont la passion est la clef; cette passion si étrangement insituable, qui prenait désormais ses vraies proportions, non plus contenu dans son corps de professeur de lycée, mais comme monde, unie vers l'être qu'elle révèle, comme aspiration plus grande que lui qui recouvrait les murs de son appartement et ses tapis et en même temps rendait le devenir de l'esprit présent dans la matière du corps affecté; c'est alors qu'il su qu'il devait se mettre a créer c'est a dire a rendre concret la forme et le contenu de la pensée ou sa passion le rendait compréhensible; ainsi dieu qui se comprend immuablement aimant et tout puissant peut créer l'homme libre et a son image s'il pense a Lui comme a Un être auquel tout est possible, même et surtout l'impossible c'est a dire quand il pense avec passion, de toute son âme et de tout son corps que le non-sens de la vie le rend compréhensible a la compassion de Dieu; la passion de Nanj tournait autour de ce pivot secret plus enfouie et plus immuable que la constante de la lumière; plus inaccessible qu'elle encore; secret enfouie a la croisée des chemins entre l'idéal et le réel se répondant absolument, se redoublant dans la passion qui a la fois en révélait l'unité et la transcendance dans l'impossibilité du fait d'exister, et le vivait en rendant compréhensible l'incompréhensible dans la distorsion du temps propre a l'existant qui gracieusement coïncide avec l'élucidation de son désir par l'effondrement du non-sens.

23/01/2014

sans titre 4

Nanj Kerfu n'avait pas toujours été a la cloche; il avait été prof de musique dans une autre vie, une vie insituable entre les bornes de l'inconnu qu'il frappait parfois d'un maillet de feutre blanc pour transir la chaire close de ses élèves nouveaux nés, nés sourds et muets comme tout homme, et leur percer des oreilles, des sensations d'écoute, de siège du corps pris de vibration face au frisson saisissant des premiers sons émis par les premières syllabes de la parole du monde, leur créer de vraies ouïes derrière les apparences qui n'étaient qu'un trou dans le sablier de surface obstrué de mensonges; tout avait commencé pour lui dans une autre vie, ou tout était musique et les instruments dissimulés; il organisait aux toilettes du lycée des cantates en canon de robinetterie avec percussion de flaques et passoires d'intensité réglée, ou pensait il les enfants absorberaient l'intelligence de leurs corps contenu dans l'eau soulevée par leurs mouvements, vibrations réinscries dans la dimension devenue visible, sensible, d'une distorsion éthérée qui embrassait plus que le cosmos et pinçait la corde de leur intimité depuis l'au-dela de l'horizon illimité; « la musique est absolument partout, elle organise le monde, révele l'apéiron, répétait il sans arrêt, en bon disciple de Pythagore, le tout est de savoir danser, car on n'invente pas la musique, on la cherche on la descelle en épousant le mouvement des corps enraciné dans les confins stellaire, en ressuscitant leur suspension intime, en amplifiant l'ondoiement de la substance par le support de nos ligaments... on se met l'âme au diapason du vent» et beaucoup le comprenaient; c'était vraiment un drôle de bonhomme ce prof, pas méchant pour deux sous, même si ces manières radicalement atypiques avaient toujours au premier abords quelque chose d'apparemment violent; comme quand, aussi parfois, il mettait du pain dans ses poches et des oiseaux dans sa sacoche, qu'il libérait en classe pour apprendre la musique aux enfants; mais les volatiles chiaient sur les timbales tibétaine, les guitares, les partitions et le piano droit, ce qui déplut aux dames de service qui s'en plaignirent : « ... et en plus, Monsieur le Directeur, le gond fait pleurer les enfants!! » Nanj eut beau expliquer que les fientes ne le dérangeait nullement, qu'elles pouvaient même faire partie intégrante des modulations harmoniques, il n'y eut rien a faire, l'explication ne passa pas, pas plus que celle du gond censé masser « tout le corps astral et pas seulement l'épiderme, de la pointe des cheveux a la moelle  épinière réorganisée» ; rien n'y fit; les autorités restèrent sourdes au dimensions réelles de l'épaisseur d'un corps en conscience et proclamèrent, ou plutôt réaffirmèrent que la vraie sensibilité se limitait a l'épiderme et que la foudre qui tirait des pleurs aux enfants n'était pas une voie d'enseignement; ce fut un vrai scandale qui ébranla toute l'ossature intellectuelle de la hiérarchie de l'établissement; quand a nouveau, il fut convoqué Nanj tenta d'expliquer au directeur qu'il avait lui aussi le devoir de s'élever a la connaissance du sens par son non-savoir, ce qui en règle générale plus imperturbable qu'une loi physique, avait pour conséquence de piquer au vif l'orgueil du vaurien qui s'enflammait alors d'une colère noire en hurlant..; » Sortez! Sortez de mon bureau...pauvre fou!...tout en n'omettant pas d'ajouter a ces ordres, les sempiternelles menaces de ceux qui mordent quand on leur ôte l'ombre qu'ils mâchonnent au fond de leur antre comme s'il s'agissait de la proie...je vous prévient que ça ne se passera pas comme ça.!.. »; Nanj tentait alors une dernière explication pour remettre ce monde fou a l'endroit«  vous ne me comprenez pas...vous êtes la lumière de cet établissement Monsieur le directeur...il y mettait les formes sans aucune flagornerie....vous êtes le clou de la toile d'araignée, le roi philosophe de cet établissement, ou plutôt vous devriez l'être, et  montrer l'exemple dont vous parlez tant...» « foutez moi le camps! Déguerpissez sac a vin!! » « ...mais peut-être êtes vous encore trop sensuel, Monsieur le directeur, continuait Nanj sans malice, toujours bien intentionné, surpris mais sans trouble..... trop intellectuel encore pour exister sans retenu, on dirait que la masse de l'univers, la totalité de la souffrance humaine ne vous a pas encore écrasé, réduit a la plus profonde primitivité de la moelle. du temps.. »; bien évidement, ce fut les dames de service qui surveillèrent de près l'application de toutes ces règles, en écoutant derrière la porte si le caractère cruelle de l'énergumène enseignant avait été discipliné ou non pendant les cours; après l'avoir convoqué, on lui interdit toutes ces  pratiques, ces improvisations de bambou après la pluie quand la boue parle et fugue comme un sifflement éclaireur de courant d'air; on lui recommanda chaudement de s'en tenir a une musique de papier, et on exigea qu'il n'enseigne que des choses inutiles, beaucoup d'érudition, peu de raisonnement, et surtout aucune conclusion, pas de bruit, surtout pas de bruit, s'en tenir exclusivement a l'apprentissage des notes sans filiation et sans matière, mais en toute chose  on l'incita a respecter les moules en vigueur; on fit plus que lui couper le sifflet, on l'extermina; un temps il fit des efforts pour enseigner aux enfants le mutisme des muses, mais ses cours s'aigrirent vite, et dévalèrent insensiblement la pente dans le sens du désenchantement; ses propos devinrent incompréhensibles, il soutenait que la langue était la musique de la musique, que la liberté était insoutenable a la vue des hommes, que les samples techno reflétaient la névrose du chant aveugle et sourd a la progression historique de l'impasse ou s'agglutinaient les hommes; peu a cette époque comprirent sa morosité; bien évidemment, la cruauté se ligua contre lui, la loi du nombre contre la proie facile, la raclure a éliminé par les poissons chat se forma, on se moqua de sa solitude et l'incompréhension devint le seul fruit de son amour passionné pour la musique. Mais Nanj ne pouvait faire ce qu'on exigeait de lui, il se sentait alors plus que mort, trompeur pour ses élèves. Aux médecins du travail qui statuèrent sur son cas disciplinaire, il fournit des explications qui leur restèrent inaudibles, et qui précipitèrent son renvoie; il aurait pu choisir une autre place, se faire oublier quelques temps, puis trouver une autre institution ou faire cours; mais cela ne l'intéressait plus ; il comprenait qu'il était parvenu a un point de rupture avec la société, avec toute une manière d'être homme, qu'aucun compromis ne pouvait plus masquer, alors même qu'il ne s'était jamais sentit aussi sensible a toute la souffrance des êtres peuplant le vide univers; il chu en une faille telle que jouer un rôle dans la société en cachant son abime d'effroi était devenu impossible sans mensonge;  il attribuait paradoxalement cette exclusion et ce changement au progressif perfectionnement de son art et de sa pratique pourtant formellement exigée par les institutions contradictoires de l'État et du ministère de l'incompréhension organisée qui revendiquait la charge de sa pratique tout en se déchargeant des contradictions qui y étaient inhérentes ; Nanj fit donc face a la plus parfaite des incompréhensions, mais la rupture lui fit du bien et il progressa d'un cran dans la révélation de la compréhension de l'incompréhensible, et se sentie plus humain que jamais auparavant. Des lors on le taxa de dandys aristocrate, de fumiste solitaire et on le cassa sans regret.

 

21/01/2014

sans titre 3

 

Joëlle avait toujours beaucoup de mal a digérer les événements forts et traumatisants qui par leur densité inhabituelle ne se laissent pas volontiers dissoudre dans les signifiants déjà assimilés, mais coupent court au roman de la vie, volatilisent, pulvérisent et abrègent l'intention qui s'y développe par une unique conclusion qui la contredit en entier; Joëlle était d'une nature a la fois rêveuse et sanguine; elle supportait très bien l'idée d'être en désaccord avec certaines opinions généralement admises, puisqu'en tant qu'artiste elle avait choisit de nager a contre courant; et cependant, son seuil de tolérance était atteint dés qu'elle faisait face a ce qui contredisait toute son intention, lorsqu'elle sentait que c'était au principe même de toute l'intégrité de son être que quelque chose la menaçait; elle se mettait alors en colère, croyant se protéger; se protégeait effectivement mais malheureusement pas pour son bien; car mieux eut valu qu'elle s'effondre dans la commune misère ou sous l'effet de la colère elle était capable de plonger son adversaire; elle avait alors du mal avec le dernier stade de l'anéantissement, le stade ultime de la dislocation de la psyché qui apporte pourtant la paix en désagrégeant tout ces contenus trop objectivement fondé en un savoir auquel elle aussi ne voulait renoncer en dernier ressort, comme en témoignait sa vindicte, car même si elle le reprochait a Daniel très explicitement, elle était incapable de se rendre compte de la projection qui la manipulait ou elle reproduisait en elle ce qu'elle reprochait aux autres; plus d'une fois elle avait approché ce noeud, plus d'une fois elle s'était ainsi mise en colère pour des riens, des broutilles insaisissables et insignifiantes dont elle identifiait la raison chez les autres mais qui en elle transformait sa vision en savoir et lui interdisait l'union d'égal a égal dans la compassion du même mal; ainsi lorsque chez elle, elle reprochait a son mari d'être trop routinier, ou a l'instituteur de ses enfants d'être un bon fonctionnaire des sciences de l'éducation qu'elle vomissait pour les mêmes raisons; cela la faisait passer pour quelqu'un de lunatique et d'intolérant, alors qu'en réalité elle était une nature très profonde , très angoissée et pleine d'esprit qui butait au seul problème existentiel qui veille la peine de se coller une heure de philosophie dans sa vie; car c'était la proximité même du paradoxe qui lui troublait la vue; son esprit très éthéré percevait presque instinctivement les formations de nodules malignes de fausse sagesse chez les autres mais était incapable de transformer son propre savoir en ignorance pour ne pas faire elle-même ce qu'elle concevait défigurant chez les autres; mais pour accéder a cette plus haute pensée, celle ou l'on a toujours tort devant dieu il fallait qu'elle relise entièrement sa vie au fil d'une intention dont l'histoire n'était pas signifier en elle, ce qui revenait a accomplir l'acte intérieur le plus difficile, celui de voir l'histoire de sa vie lui échapper pour enfin adhérer pleinement a l'intention d'amour a laquelle elle voulait tout abandonner; et c'est sous ce jour là qu'a la fin de son dernier cours cet après midi là, la question de son existence lui apparue parce qu'elle avait été suffisamment minée par l'altercation avec Daniel pour que d'une réparation elle espéra autre chose que la reconduite du court habituel de sa vie, mais une transformation radicale et inattendue; depuis le repas sa mémoire ne cessait de se déformer comme le corps des boas capable d'avaler une antilope entière et de prendre la forme de leur repas; elle s'était sentie se dédoubler tout au long de l'après midi ou littéralement elle avait marcher a coté de ses pompes; dédoublée et déchirée entre une intention de sens qu'elle voulait être la même que celle qui avait toujours animé et organisé toute sa vie, et sa volonté qui depuis l'instant de la colère semblait désolidarisée de cette intention et n'être qu'une velléité vide de sens qui l'angoissait; quand elle sortit de cours elle traversa les différentes salles réservées au travail manuel ou les détenus gagnaient de maigres salaires en échange de menues travaux; certains préparaient des gaines électriques qu'ils enroulaient ensuite sur elle-même et qui serait vendu dans différents magasins de matériaux de construction; d'autres assemblaient au marteau de petites pièces de bois qui formaient des nids qu'on retrouverait dans les magasins animaliers; c'est en voyant un détenu enfoncer un clou qui réunissait deux pièces de bois qu'elle comprit; pour passer a travers le « trou », le clou de l'intention devait avoir une densité bien plus haute que la matière transpercée et que la densité la plus haute celle qui transpercerait toutes les parties du temps, était paradoxalement plus fine, tenue, réduite a un presque rien qu'elle refuser d'atteindre tant que l'intention d'amour en elle ne transcenderait pas toute colère et toute menace, tant que percer ne serait pas identique a presser; illumination subite qu'elle recue des gestes des ouvriers qu'elle percevait differement en fonction de son trouble, et qui ne manqua pas d'occasionner un certain soulagement dans le fonctionnement de tout son appareil mental; et aussitôt elle résolue d'aller rendre visite a Daniel; la douleur de l'obsessionnelle idée fixe qui résonnait en elle depuis la fin du repas, cessa soudain ces répétitions, purement fictive de la scène qui embrouillait son schéma mental et la propulsait dans une impasse symbolique contre laquelle elle n'avait cessé de buter; sitôt la décision prise, il lui sembla que la tumeur était plongée dans de l'acide et que le bégaiement du yo-yo trouvait enfin une formulation unifiée dans un plan supérieur; les secondes qui jusqu'alors lui avait paru interminables comme des heures de ressassements stériles et douloureux, reprirent leur fluidité dans l'écoulement, et la journée ou le temps semblait faire du place se transforma en une victoire complète sur le temps, comme si son intention, amendée, corrigée avait franchit le seuil de son propre labyrinthe et respirait a nouveau librement; elle se sentie infiniment légére et son attention qui avait été sans cesse détourné par cet appel d'air, ce trou symbolique dans le motif du tapis, se sutura comme une blessure dans les coups de marteau, dont elle s'éloigna a mesure que disparaissait aussi son impression angoissée de vivre dédoublée, ni tout a fait a ce qu'elle faisait, ni tout a fait a rejouer la scène traumatique; pour son esprit explosé en mille morceaux autonomes, réparer était devenu inévitable a moins de devenir insensible et de se suicider spirituellement; et pour réparer il lui fallait remonter le cours du temps qui s'était enraillé, remettre le temps dans ses gonds en revenant sur ses pas jusqu'au carrefour ou tout s'était joué; Joëlle finit donc par se sentir coupable, même si elle avait intellectuellement raison d'un point de vue purement abstrait; c'est pour cela que le soleil ce jour la ne se coucha pas sur son inimitié; et, en fin d'après midi, quand la geôle résonnait sourdement de l'acide des flow binaires et confus de la haine, elle retourna voir Daniel avant qu'il ne quitte l'établissement ; elle le trouva au fond de l'aile sud dans son « cabinet » jouxtant le secteur de l'infirmerie et de la blanchisserie; c'était une toute petite pièce peinte en bleue azur avec une fenêtre griffé de barreaux, un bureau et deux chaises en contre-plaquées très simple : «  je ne pourrais rien avaler ce soir si je t'ai blessé », dit elle a Daniel en entrant dans le bureau.